VALS – (Ancienne priorale Notre-Dame)
Dédiée également à saint Loup, l’église de Vals est une des plus curieuses des Pyrénées parce qu’elle a été construite dans un immense bloc de poudingue en utilisant comme accès une faille naturelle de la roche. Son origine est ancienne, contemporaine des diverses abbayes de Foix, de Pamiers ou de Camon qui furent fondées au VIII° siècle et dont certaines furent rattachées à la grande abbaye de Lagrasse comme, précisément, Vals le fut.
La première église a pu être construite par les Bénédictins qui l’installèrent dans ce rocher, en lui donnant une architecture que le sol a rendu compliquée, pour remplacer un site religieux antérieur qu’il convenait de christianiser.
Nous pouvons déterminer ainsi une première nef et une abside rupestres du X° siècle ouvertes au sein du rocher qui en forme les parois. Des maçonneries ont dessiné de petites chapelles latérales très archaïques. L’abside basse et carrée a été remaniée, au début du XII° siècle quand les desservants de vingt-deux paroisses s’établirent, en 1104, en chanoines réguliers de Saint Volusien à Foix et agrandirent le prieuré de Vals. L’abside fut alors surélevée, ouverte par un grand arc triomphal en plein cintre sur la nef supérieure et pour accroître la place pour des cérémonies plus solennelles les moines construisirent une autre nef romane perpendiculaire à la première, formée d’un chœur et d’une abside ronde mais située au troisième étage au-dessus de la nef primitive. Cette nouvelle nef prend vue sur l’ancienne par un grand arc roman et elle se complétait d’un clocher en forme de tour qui n’est qu’une élévation de l’abside. Ce clocher exhaussé, après le XIII° siècle, en tour de guette s’est vu accoler une tour carrée et crénelée de type militaire. Un incendie, sur la fin du XVI° siècle, entraîna une réparation sommaire de la grande nef qui a été encore surélevée au XIX°, ce qui a permis de dégager le grand arc de l’église de la tour.
L’église est ainsi composée d’une nef basse voûtée en plein cintre et en maçonnerie de gros appareil terminée par une abside surélevée, à chevet plat, couverte en berceau sur arcs doubleaux. Le rocher forme les murs du chœur mais les contreforts réunis par des arcades rondes, déformées parfois, montrent une maçonnerie du X° siècle reprise au XII°. Les bandeaux retombent sur les parements sans moulures. Tout l’ensemble de cette abside, y compris les bandeaux et leurs flancs étaient recouverts de fresques du XII° siècle.
Des escaliers assurent l’accès à la nef supérieure, ou grande nef, couverte au XIX° siècle d’une voûte en plâtre. Au fond, s’alignent les arcs supportant la chapelle haute, vouée comme d’habitude à Saint Michel. Deux arcs, l’un en plein cintre, l’autre en anse de panier et un troisième petit arc à claveaux de briques soutiennent un balcon sur lequel se dresse le grand arc roman par où la chapelle a vue sur la nef inférieure. Cette chapelle Saint Michel, voûtée en cul-de-four, a deux fenêtres étroites : l’une à double ébrasement, l’autre à meurtrière. Un bandeau, au-dessus de l’arc de l’entrée du chœur, est orné de billettes. La maçonnerie de grès, bien appareillée au XII° siècle, a été surélevée en tour demi-ronde au XIII°, puis au XIV°. Une tour carrée à créneaux a été juxtaposée à ce clocher et lui confère un aspect féodal.
LES FRESQUES.
Ornant l’intrados de l’abside, elles sont d’une qualité exceptionnelle et entrent dans le groupe des fresques romanes catalanes qui ont été identifiées par Marcel DURLIAT et AINAUD de LASARTE comme étant l’œuvre d’artistes de l’atelier du Maître de Pedret. A Vals ce fresquiste a atteint sa maîtrise, tant du point de vue du dessin que des thèmes iconographiques dans ce hiératisme byzantin impersonnel si riche de spiritualité.
Les fresques montrent, du nord au sud, trois aspects de la vie de Jésus : sa venue dans le monde, la période évangélique et sa gloire éternelle. Chaque phase occupe une travée entre les bandeaux. La première travée, à partir du chevet, présente une Annonciation à l’ouest et, à l’est, le bain de l’Enfant Jésus aux mains des femmes dans une cuve pédiculée tandis que Marie est couchée sous un drap somptueux. Dans la travée suivante se distinguent huit personnages à la voûte et huit autres sur les arcs. Parmi ceux de la voûte Saint Pierre et Saint André s’identifient aisément grâce aux clefs et à la croix traditionnelle. En face Saint Philippe et Saint Barthélemy. Dans la dernière travée, la plus grande, près de l’arc triomphal, le Christ en majesté dans une mandorle rouge, la main bénissante, entouré des quatre personnes vivantes de la vision de Jean pourvues de leurs ailes. Sous chaque tétramorphe se trouve un ange, puis Saint Michel et un autre archange proche du trône de Dieu ; archanges avocats, ainsi que le précise le rouleau de parchemin de la petitio ou postulatio qu’ils tiennent en main selon un symbole familier au maître catalan. Ces archanges encadrent un chérubin à six ailes marquées de sept yeux, autre thème apocalyptique.
La fidélité de la figuration de la vision apocalyptique de Jean est telle que la surprise est de ne point trouver l’Épiphanie qui l’accompagne dans les scènes romanes. La fresque des mages se trouvait bien sur le mur plat de l’abside, elle a été détruite lorsque a été percée, au XVI° siècle, une fenêtre ogivale d’assez fâcheux effet en ce lieu. La Vierge absidiale y présidait dans sa majesté ; il est possible d’en deviner le visage et la coiffure. La tête du mage Balthazar est couverte d’un bonnet, c’est généralement ainsi que les peintres catalans représentaient les mages.
Ce bel ensemble de fresques romanes, associé aux fresques du même atelier figurées à Saint Lizier constitue le plus authentique chef-d’œuvre de la peinture murale du début du XII° siècle du versant nord des Pyrénées qu’il ne faut d’ailleurs pas séparer des oeuvres de Catalogne.
(Cl. Aliquot, conservateur des Antiquités et Objets d’Art de l’Ariège,
Docteur en Histoire)