Les chasseurs des montagnes de l’Ariège


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Résumé de la conférence donnée le 21 Janvier 2006 à Mirepoix

par le Médecin général inspecteur (2 S), Gilbert NOUGUE

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En 1808, le peuple espagnol s’insurge contre l’installation de Joseph Bonaparte sur le trône d’Espagne et attaque les troupes françaises qui le soutiennent. Face à cette nouvelle guerre, Napoléon 1er a le souci de consolider la défense de la frontière pyrénéenne pour garantir la sécurité des voies de communication avec l’Espagne et, pour ce faire, il a recours à un recrutement particulier portant sur les montagnards locaux.

Louis XIV, en 1689, avait déjà levé en Roussillon des compagnies de « miquelets », troupes légères habituées à la montagne qui rendirent de grands services jusqu’en 1763.

L’Empereur décide de faire de même dans les cinq départements frontaliers des Pyrénées. Il lève, dans les zones de montagne, des compagnies de gardes nationaux qu’il s’ingénie à renforcer avec des montagnards réfractaires à la conscription. Ces réfractaires, en effet, forment dans les Pyrénées, avec des déserteurs de l’armée, de véritables bandes réfugiées dans les montagnes et qui résistent aux forces de police. Ce ne sont pas des pacifistes, mais ils refusent de servir hors de leur pays. Napoléon cherche donc à les récupérer en leur proposant une forme de service acceptable pour eux, avec un statut particulier. Ils seront les « chasseurs des montagnes ».



A)    Les chasseurs des montagnes

Le 6 août 1808 parait un décret créant 34 compagnies de 130 hommes (soit environ 5000 hommes) d’infanterie légère, à raison de 8 compagnies dans les Pyrénées Orientales, 8 dans l’Ariège, 2 dans la Haute-Garonne, 8 dans les Hautes-Pyrénées et 8 dans les Basses-Pyrénées. L’appellation de « miquelets » est abandonnée au profit de « chasseurs des montagnes ». Ces compagnies sont formées par les préfets, recrutées parmi les hommes de 20 à 40 ans, équipées et habillées par les départements. Il est bien précisé qu’elles ne seront employées que sur la frontière d’Espagne dans le cadre des divisions pyrénéennes. Un uniforme est défini, brun à parements verts, l’armement se composant d’un fusil avec baïonnette, d’une giberne, d’un sabre briquet et d’une gourde. Les réfractaires qui se feront inscrire auprès des juges de paix dans les quinze jours suivant la parution du décret pour servir dans ces unités verront suspendre les poursuites contre eux et leur famille et bénéficieront d’une amnistie totale après la guerre.

Dans un premier temps, chacun des cinq préfets lève des compagnies de chasseurs avec des gardes nationaux frontaliers. Puis, à leur surprise, les réfractaires affluent à tel point que l’effectif prévu est vite atteint, l’Ariège et les Basses-Pyrénées doublant même le nombre attendu. A tel point qu’un nouveau décret complète le premier, le 8 novembre 1808, précisant que « seront formés autant de bataillons de chasseurs que le permettra le nombre de conscrits réfractaires ».

Le 30 août 1809, il existe 54 compagnies de chasseurs des montagnes, soit 8.600 hommes !

Le 17 janvier 1811 aura lieu une nouvelle organisation due au licenciement des  gardes nationaux, les compagnies n’étant plus formées que de réfractaires.


On aura, alors, jusqu’en 1814 :

         1 bataillon à 6 compagnies groupant les Pyrénées Orientales, la Haute-Garonne et les Hautes-Pyrénées

         1 bataillon à 8 compagnies pour l’Ariège

         1 bataillon à 10 compagnies pour les Basses-Pyrénées.



B)     Les chasseurs de montagnes de l’Ariège :

L’Ariège, grâce à l’afflux des réfractaires, peut mettre sur pied deux bataillons.


         Le 1er Bataillon, fort de 8 compagnies (4 de gardes nationaux et 4 de réfractaires) est prêt le 1er décembre 1808 à Pamiers, aux ordres du général Latour.

Il est envoyé à Tarbes, puis prend la route de Saragosse pour participer au fameux siège. Ceci n’est pas du goût des chasseurs qui désertent en chemin. 275 seulement, sur un effectif de 1200, arrivent à Saragosse. Devant ce fiasco, le maréchal Kellerman, duc de Valmy, prend la défense des déserteurs arguant que les termes du décret du 6 août 1808 n’ont pas été respectés et que le bataillon n’aurait pas dû quitter les Pyrénées.

De retour en Ariège, le bataillon est reconstitué par un nouveau chef, le chef de bataillon Andouin, et est employé sur la frontière ariégeoise. Puis, il est envoyé à Perpignan et en Cerdagne. D’abord indisciplinés, les chasseurs s’aguerrissent et deviennent en 1810 une des meilleures troupes de couverture des Pyrénées Orientales, contenant les avancées espagnoles à Saint-Laurent de Conflans, Puigcerda, La Tour de Carol et Llivia, tenant Bellegarde et protégeant Perpignan.

En janvier 1813, ils sont envoyés, à la demande du maréchal Suchet, en renfort à Jaca, en Aragon, où ils rejoignent le 2ème Bataillon de l’Ariège.


         Le 2ème Bataillon de chasseurs des montagnes de l’Ariège :

Formé en janvier 1809 à Saint-Girons uniquement de réfractaires, fort de 8 compagnies (1200 hommes) aux ordres du commandant Roquemaurel d’Oust, il est envoyé en mai à Jaca, en Aragon pour garantir l’intégrité de la route Pau-Saragosse.

Des désertions ont lieu, mais sont comblées avec l’arrivée du commandant Deshorties. De 1809 à 1812, le bataillon pacifie le versant pyrénéen entre Jaca et le Val d’Aran, s’emparant de Venasque et de Viella, fermant ainsi la route de Luchon et de Saint-Béat aux bandes espagnoles qu’ils aident à contenir jusqu’en 1813.

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Lors du retrait des troupes françaises d’Espagne, en septembre 1813, l’espagnol Mina assiège Jaca. Les chasseurs des montagnes lui résistent jusqu’en février 1814 où, forcés de se rendre, ils sont autorisés à rentrer en France en hommage à leur bravoure.

En mars 1814, alors que les troupes anglaises sont sur l’Adour, ils sont versés au 28ème léger.

Mais, à ce moment, beaucoup ont déjà rejoint l’Ariège… fidèles à leur statut.

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(Source : « Napoléon et les Pyrénées » du docteur Jean Sarramon)