Quelques faits et actions dans les environs de Roquefixade: mois de juin 1944

                        Les combats de Roquefixade sont une opération d’anéantissement du maquis qui venait de s’y installer après plusieurs événements ayant mis à mal autant les forces allemandes que la milice.

                        Dés l’année 43, des actions sont menées dans tous les environs. Signalons-en quelques unes.

                        Non loin de là, le 18 septembre 43, des membres du maquis d’Ilhat d’en Bas comprenant Achille BOCHETTO, Alexis AUDEON, Georges TABAR, Henri LAGARDE… tentent de prendre les armes d’un fort allemand installé à Péreille d’en Haut. L’opération échoue et fait 2 tués (BOCHETTO et AUDEON) , plus un blessé du côté des maquisards et de 2 tués, 2 blessés, selon G. TABAR, côté allemand. En représailles, quelques jours après, les allemands et la milice attaquent le refuge de la « Caougne », prés de Montségur: 7 prisonniers.

                        Le 24 Septembre, Frédéric CORDOLA, dit « LAGARDE » (44 ans, né à Suze, prés de Turin), du groupe de Montgailhard dynamite un pylône H.T. qui tombe sur la route au pont des Escoumes (limite de Saint-Paul et Montgailhard); un autre qui devait tomber sur la voie ferrée est endommagé. Pour l’anecdote, le matériel de dynamitage était caché à l’intérieur de ruches et fourni par BUILLES de Mercus et RAYNAUD de Saint Paul. Le pylône couché sur la route fut découpé au chalumeau par CORDOLA lui-même, réquisitionné pour cela, et sous bonne garde allemande.  D’autres dynamitages de pylônes se feront, comme à « Carole », entre Antras et Croquié (commune de Saint-Paul), dans la nuit du 27 au 28 novembre 43. CORDOLA avait déjà endommagé deux pylônes sur les cimes de Rieucourtés, entre Foix et Montgaillard .

                        Le 5 octobre 43, un espagnol (Antonio AIBAR PUERTO de Nantes) qui voulait faire des passages clandestins à son compte est exécuté par un « commando » à Saint-Paul (Cabanut); son compagnon, Luis VIDAL dit « EL PEQUE »  est blessé. Ce dernier dénonce le groupe d’espagnols travaillant à Laurens (commune de Freychenet). C’est ainsi que le 7 octobre, Félipe ESPINO, Antonio GARCIA SANTOS, Féliciano POZO, CRUZ Franco, Adolpho ARGUDO et Alberto MAGDALENA sont arrêtés.

                        Le 2 février 44: sabotage ferroviaire  manqué à Saint-Paul: les personnes réquisitionnées pour garder la voie ferrée étant arrivée trop tôt.

                        27 février: Philippe AMIEL de Mercus échappe à la Gestapo venue l’arrêter: il part pour Marmande.

                        28 février: le maquis de Croquié fait dérailler, à Saint-Paul, un train d’alumine destiné à l’Allemagne.

                        Le 14 avril, anniversaire de la proclamation de la République Espagnole, une action de guérilleros venant d’Aygues Juntes, au Pont du Diable (Saint-Paul), fait 2 morts allemands et un blessé. L’action aurait été programmée: les guérilleros ayant organisé une fête à Saint-Paul, en y invitant les gendarmes…pendant qu’ils faisaient le coup…

                        Avec l’arrivée de CALVETTI, le 8 avril, une succession d’opérations visera à créer un climat d’insécurité pour l’occupant et la milice. Croquié devient le siège de l’Etat Major des maquis FTP de l’Ariège.

                        Le 15 avril, à Mercus, les pompes de refroidissement de l’usine Peychiney sont dynamitées et rendent l’usine inopérable.

                        Le 27 avril, arrestation à Saint-Paul de Jean DUBIE, Robert ELOUARD, Antonio GARCIA SANTOS, Félipe ESPINO, José DURO: ils seront déportés.

                        Le 17 Mai : télescopage d’ un train dans le tunnel de Saint-Paul. Ce sabotage mérite d’être raconté, selon le récit d’André LAGUERRE dit « DEDE LA FRAISE » et confirmé ou précisé par Daniel PUJIELA dit « DANIEL » ou « ANDRE FAURE »  et Benito PEREZ dit « OSCAR ».

                        La ligne de chemin de fer Puigcerda-Ax-Foix-Toulouse était importante pour les allemands: les matériaux (alumine, talc…) devaient alimenter les usines travaillant pour le Reich. Plusieurs sabotages avaient été opérés. Une garde de la voie ferrée était organisée par les habitants réquisitionnés dans les communes voisines (une personne tous les 200 mètres environ).

                        Le maquis de Croquié, avant son départ pour le Merviel, comportait des cheminots (par ex. François ANDREU  ou Roger BUILLES, leur agent de liaison). Leurs liens avec des personnes engagées à proximité (Jacques CAVERIBERES et Auguste RAYNAUD) permirent de réaliser un des faits de résistance qui reste dans la mémoire de l’Ariège.

Le groupe: « OSCAR » (Bénito PEREZ), « DANIEL » ou « ANDRE FAURE » (Daniel PUJUILA), François ANDREU, « ROBINO » ou « ROBERT DUVAL » (Emile DUSSART), André LAGUERRE dit « DEDE LA FRAISE » et Roger BUILLES descendent en gare de Saint-Paul.

Les hommes sont placés à la sortie du tunnel de « La Charmille ».

                        A 6h 40, le train 7629 arrive de Foix et s’arrête à Saint-Paul, comme prévu. Deux maquisards montent à bord : le conducteur, EYCHENE , le chef de train, SEILLE et le mécanicien LAURENS sont présents. Le train est emmené sous le tunnel. « OSCAR »  et le mécanicien, à la lueur d’une lanterne,  bloquent le train avec le « serre-queue » et séparent le train en deux.

                        Le fond du train, avec plusieurs wagons est donc immobilisé. La locomotive et deux wagons sont emmenés plus loin, vers Garrabet, soit un à deux kilomètres de là. Ils font descendre les mécaniciens qu’ils laissent sur le bord de la route. La marche arrière de la locomotive est actionnée. Le mini train prend de la vitesse et va percuter, à fond, la rame laissée dans le tunnel, alors que « OSCAR » et « DANIEL » ont sauté à terre.

                        La ligne de chemin de fer devient inutilisable. A l’intérieur du tunnel, il n’est qu’amoncellement de wagons et de débris : les rails sont tordus, 20 tonnes, environ, de matériaux perdus et 8 wagons inutilisables. Il fallut plusieurs jours pour rétablir la voie. Les allemands et la Milice durent réquisitionner les jeunes de Saint-Paul, Celles, Montgailhard pour y arriver. C’est ainsi, sans une bombe, que des usines n’ont pu travailler faute de minerai…

 Après quoi, les maquisards remontèrent à Croquié qu’ils quittèrent pour la grange du Falcou (au dessus d’Antras). Les allemands ne tardèrent pas à tenter de les prendre. Des GMR montent par Antras mais rebroussent chemin. Enfin, deux miliciens montent au Falcou et incendient les deux granges de Leontine MOREREAU et de Françoise MAURY, que les maquisards viennent de déserter en remontant plus haut, à Fonfréde, après y avoir passé quelques jours.                  

                        Le 24 mai, un maquisard (Benito PEREZ, alias »OSCAR ») se rend à Vira à vélo. Au croisement des Fourches, à Saint-Paul, il tire sur le président de la délégation spéciale de la commune et sa femme. Tous les deux sont blessés et quittent le département (six balles de revolvers sont tirées: quatre atteignent les cibles, dont une à la tête).

                        Le maquis de Croquié part alors, à Couderc, prés du Merviel et rejoint le groupe de Vira d’Aimé GOS, à côté de l’état-major des guérilleros espagnols. Il est alors composé de: CALVETTI, « OSCAR », François ANDREU, Daniel PUJUILA, André LAGUERRE, « ROBINO », Raoul BONNAFOUS et de Paul BALASC.

                        Le 27 Mai, détournement d’un parachutage d’armes, à Rieucros (qui comprend, notamment, une mitrailleuse).

                        Le débarquement des forces alliées est annoncé. Mission est donnée, par Londres et Alger, de maintenir sur place l’occupant: des actions de guérilla vont se multiplier.

Camille SOUYRIS (« AUBERT ») est chargé par la direction régionale de la résistance de créer, en Ariège, les F.F.I. qui regroupent tous les groupes armés de la résistance (A.S. , ORA, FTP…).

                        3 Juin: les maquisards de Vira- Le Merviel (dont le noyau est issu du maquis de Croquié) et les guérilleros du Calzan vont à Pamiers et investissent les locaux des Chantiers de Jeunesses: des uniformes sont pris et serviront à équiper les hommes.

                        4 juin: Les mêmes, dans la nuit du 4 au 5, avec la complicité d’ouvriers (du groupe légal de Pamiers), sabotent à la dynamite, le four Martin (de 250 tonnes) et le grand laminoir de l’usine métallurgique de Pamiers qui travaille pour l’Allemagne (bien que peu de bombes -les « saucissons »- préparées par les « légaux » de Pamiers explosent). La préparation de l’opération a été faite par le CE, Marcel FRECHOU, CALVETTI, « Abel » LACOSTE et deux responsables des guérilleros dont « ROBERTO ».

                        Le 6 Juin: L’état major FTP s’installe au Moulin d’Aimé GOS, à Embayourt, prés d’Engraviés. CALVETTI,  par les réseaux des légaux, mobilise les jeunes volontaires: une cinquantaine d’entre eux arrivent ce jour-là quant leurs responsables leur disent : «  C’est le moment d’y aller… ». Ils quittent, alors, leurs usines ou leur emploi, sans être dénoncés…

                        L’ordre de la mission assignée aux maquis par Alger et  Londres est de maintenir sur place les forces allemandes (et celles de la Milice qui pourrait la suivre). Concrètement, il s’agira d’ harceler les opposants en multipliant les attentats et les sabotages pour mobiliser le maximum de forces hitlériennes ou vichyssoises sur le terrain.

                        La Cie FTP est créée en regroupant divers maquis. La réorganisation générale attribue  un N° à une Cie reconnue par le CNR (Centre National de la Résistance). Cependant, cela prendra du temps. Les maquis organisés autour de CALVETTI sont toujours la 1ére Cie de l’Ariège…Ce n’est qu’à partir de fin juillet que le N° d’ordre est donné. Jusque là, par ex. , le maquis de Saint Girons n’est qu’ une section de la 1ére Cie.

                        Le 7 Juin: Une centaine de volontaires, issus, essentiellement, des groupes « légaux » se présentent pour être engagés. L’on est obligé de trier et de renvoyer chez eux la plupart d’entre eux, car l’on ne dispose que de peu d’armes et de munitions. Les trois détachements FTP organisés sont ventilés autour d’Engraviés: à Vira, à Dun et au Calzan. L’état-major reste au moulin d’EMBAYOURT, chez Aimé GOS.

                        Le soir, FTP et Guérilleros sabotent les extrémités (pylônes) de la voie ferrée de la gare de Varilhes où se trouve un train destiné aux allemands (six charges de dynamites sont placées entre Varilhes et Crampagna : circulation interrompue, coupure de la ligne à haute tension).

                        Le 8 juin: Sur des renseignements qui s’avèrent erronés, les FTP attaquent la Caserne Sarrut de Pamiers en vue de récupérer des armes: 3 camions de jeunes participent à l’opération. Un milicien de Saint-Amadou est fait prisonnier à la hauteur des Issards. Il sera enfermé à Dun, mais s’évade dans la nuit et prévient les autorités.

                        Le 9 juin: Récupération d’armes dans les gendarmeries de Rieucros et de Mirepoix. Recherche du milicien évadé infructueuse. Il est décidé de déménager le maquis dans l’après-midi. Il n’en eut pas le temps.

Une forte colonne allemande, venue de Toulouse, renforcée par la Milice, arrive à Vira: ce furent les premiers combats de la nouvelle structure FTP, heureusement renforcée par les guérilleros. 3 FTP sont tués: Raoul BONNAFOUS et Paul BALLASC de Mercus (20 ans, blessé, fait prisonnier et achevé par les allemands à Vira : ses obsèques auront lieu le dimanche 26 Novembre à Mercus), plus Fernand ROUBICHOU, partisan légal d’Arvigna. Un quatrième, J.J. NEUVILLE, est blessé, fait prisonnier et enfermé à la prison Saint Michel de Toulouse: on ne le reverra plus. 3 blessés sans gravité sont aussi à déplorer. 2 civils sont tués lors des combats, alors qu’ils étaient dans leur champ: Mimi AUTHIER et Joseph RUJAS. Le soir, des maquisards, pensant avoir affaire à une voiture de la Gestapo tirent: c’était la voiture du docteur ROQUEJOFFRE. 2 civils sont tués: le chauffeur GOUDONVILLE et l’instituteur en retraite d’Arvigna: RESCANIERES. Selon des sources, les allemands auraient eu à déplorer environ 36 morts et 84 blessés. Les combats durèrent 6 heures. Confrontés aux réalités des combats, 20 %  des recrues désertent… Les volontaires FTP sont éparpillés et cachés en différents points de la zone (essentiellement vers Larroque d’Olmes).

                        Le dimanche 11 juin: vers 7 H du matin, les allemands reviennent en force à Vira: 25 camions, 7 automitrailleuses. Ils dynamitent le moulin d’André GOS et incendient les deux fermes situées au dessus de celui-ci ( à Embayourt).

                        Le 13 juin: descente des allemands au Merviel: Cyprien ROUCH est tué. Mme GIRET, femme du responsable des parachutages qui a dû fuir Rieucros, est arrêtée.

                        Le 14 juin: vers midi, un détachement de guérilleros cerne la caserne de Pamiers et emportent sous la menace des armes, des habits et 212 000 F.

                        Le 20 Juin, le 2éme détachement attaque la coopérative des usines Ricalens à Larroque d’Olmes. Des vivres et du matériel d’habillement sont récupérés (ainsi qu’une machine à écrire!).

                        Le 21 juin: Le 3éme détachement attaque l’école d’enfants de troupes d’Audinac avec un détachement de guérilleros. Du matériel d’habillement et des chaussures sont récupérés, ainsi qu’une camionnette Citroën de 1500 KG gazogène.

                        Le 2 éme détachement attaque le Secours National de Lavelanet, mais sans résultat. Cependant, un allemand est abattu. Dans l’après-midi, FTP et guérilleros exécutent 2 « traîtres » de Mirepoix.

                        Le 23 juin: le 2 éme détachement attaque le dépôt départemental de tabac de l’Ariège situé à Pamiers: 1200 KG de tabac, soit 40 000 paquets, sont récupérés.

                        Le 24 juin: le 1er détachement, au cours d’une patrouille, exécute, sur ordre de CALVETTI, un agriculteur prés de Saint-Paul qui avait dénoncé l’occupation clandestine d’une grange prés d’Antras et l’existence de réfractaires au STO.

                        En fin d’après midi, ce même détachement attaque une voiture allemande à la sortie du tunnel de Saint-Paul: un officier est tué, un autre blessé. Une femme qui était à bord  est également blessée à la cuisse. La voiture est détruite à la grenade, des documents sont récupérés: c’était une voiture de l’agence Todt.

                        Le 25 juin: une distribution de tabac est faite à Ventenac, Le Merviel, Dun, Vira et Calzan.

                        Un jeune de Celles qui avait déserté avec armes et bagages lors des combats de Vira, revenu au maquis la veille, avoue avoir, de plus, agressé 3 fermes prés de Saint-Paul (à Le Sourt, Le Cor et Caraybat) au nom du maquis et avoir soutiré de l’argent. Il est décidé de l’exécuter: c’est fait à 21 H. L’argent est rendu aux fermiers et des tracs distribués pour disculper le maquis.

                        Le 26 juin: Une patrouille de FTP, conduite par « OSCAR », enlève 2 frères miliciens de Mirepoix. Ceux-ci, après avoir donné une liste de noms d’habitants de Mirepoix, Foix, Pamiers, Toulouse… sont exécutés après avoir creusé leurs tombes.

                        Un détachement de la 3.ème Brigade de guérilleros est attaquée à Arvigna par la Milice et les allemands : 2 civils sont fusillés.

                        Le 27 juin: à la demande de CALVETTI, une messe est dite à 10H, à la mémoire des morts des combats de Vira.

                        Le 28 juin: Le courrier postal de Mirepoix est contrôlé: 105 000F sont récupérés, ainsi qu’une lettre du maire de Mirepoix qui demande à PETAIN de rendre le secteur plus sûr et d’anéantir les maquisards.

                        Le chauffeur d’un camion qui faisait les réquisitions pour Vichy est intercepté et délesté de son chargement: 500 litres de vin. La voiture du curé de Verniole est réquisitionnée ainsi qu’une bicyclette.

                        Une opération contre des « agents de la Gestapo » échoue…

                        Le 29 juin: A l’aube, des camions de miliciens et d’allemands investissent la commune d’Arvigna, où un maquis espagnol y réside, aidé par la population, en liaison avec le maquis FTP voisin. A la ferme Marty, le père et le fils NAUDY, ainsi que leur domestique, François SOLER sont fusillés et brûlés dans leur maison. A Arvigna, ARAGNI, mari de l’institutrice, est arrêté et enfermé à la prison Saint-Michel, à Toulouse, jusqu’au 19 août. Il y a pillage et incendies de maisons et de granges.

                        La compagnie décide, alors, de s’installer hors de cette zone qui devient de plus en plus la cible des allemands et de la Milice. Manuel SERRA (« GODEFROY ») est chargé par André LACOSTE dit « ABEL » d’organiser le repli sur un autre point de chute: ce sera tout prés de Roquefixade, à proximité du village de Coulzonne, dans les granges du Grézat    

(Extrait du livre : « Le Maquis de Roquefixade », J.J. Pétris)