L’église romane d’ARQUIZATMIGLOS

 

 

 

 

 

 

La vallée de MIGLOS, dans le Vicdessos, est surtout connue par son château féodal, dont on peut toujours admirer les imposantes ruines.

 

Cependant, c’est curieusement l’église romane d’ARQUIZAT (dédiée à Saint Hilaire, évêque de Poitiers vers 350), qui constitue le premier jalon attesté de son histoire, dès la fin du XIe siècle.

 

Les caractéristiques architecturales de cette bâtisse dénotent une construction de la fin du Xe ou du début du XIe  sièc1e. Le c1ocher, de forme carrée, p1acé au mi1ieu de la façade latérale, s’apparente aux clochers andorrans de la même époque, ainsi qu’à ceux d’Unac et Mérens. L’aménagement intérieur ressemble étrangement à celui de l’église de Mercus, qui date de cette même époque.

 

Nombre d’oratoires, chapelles et églises ont été érigés à l’approche de l’an 1000, pour conjurer les maléfices que l’on pensait inévitables lors du changement de millénaire. C’est très certainement à ce phénomène que l’on peut attribuer la construction de l’église d’Arquizat.

 

Cet édifice mesure approximativement 25 m de long et 14 m dans sa plus grande largeur ; l’épaisseur des murs est de 1,20 m. La hauteur de voûte est de l’ordre de 8,50 m et le clocher culmine à 30 m (dont 7 m de flèche).

 

Une description détaillée (la première à ma connaissance) en a été faite en 1886, par Jules De LAHONDES. Depuis cette époque, le sanctuaire n’a pas subi de transformation notable, si ce n’est quelques aménagements d’ordre esthétique (mise à nu des pierres de la bâtisse, après enlèvement d’un vieux crépi … )

 

Suivons donc 1es exp1ications de cet auteur, un spécia1iste en la matière : « L’église de Miglos présente trois absides voûtées en quart de cercle, celle du milieu plus profonde, précédées d’une travée formant une sorte de transept mais sans saillie, voûtée en berceau et construite, de même que les absides, au XIIe siècle ; trois nefs voûtées en berceau cintré au commencement du XIVe siècle, avec des arcs doubleaux saillants, le tout sans sculptures ni la moindre moulure. Le clocher étroit, carré de la base au faîte, sans ressauts ni ornementation, éclairé seulement au sommet par de petites fenêtres géminées, s’élève au-dessus de la première travée de la petite nef méridionale, occupée tout entière par son étage du rez-de-chaussée auquel on accède par quelques marches. Il pouvait être utilisé pour la défense et servir de tour de guette. La nef méridionale ne fut pas prolongée jusqu’à la façade ; une croix occupe aujourd’hui l’angle rentrant. Cette disposition, ainsi que l’absence de portail, s’expliquent par la construction d’anciennes dépendances qui ont disparu…

 

Elle est donc bien vieille notre église ! … et c’est à travers elle que l’on trouve la première mention de MIGLOS (Merglos) en 1097.

 

A cette date, elle est citée dans une bulle du pape Urbain II, qui excommuniait les usurpateurs de biens appartenant à l’abbaye Saint Sernin (ou Saturnin) de Toulouse. La sanction infligée par l’Église porta ses fruits, puisque dans les deux décennies qui suivirent plusieurs détenteurs illégitimes abandonnèrent leurs droits sur le dîmaire de Miglos. Ainsi, Pons Adémar, avec le consentement de ses frères Olivier et Bertrand, vers 1105 ; Willem Aton de Miglos, vers 1108; Willem Pierre de Roquemaure (Génat), en 1117 ; Azémar de MalPas (aujourd’hui Bompas) et ses frères Raymond, Pierre et Bernard, vers 1118. Les privilèges de Saint Sernin seront confirmés à nouveau par les papes Gélase II (2 janvier 1119),  Innocent II (21 mars 1141), Alexandre III (11 mai 1169 et 30 mars 1175). Ces différentes bulles mentionnent l’église de Miglos.

 

En septembre 1246, un inventaire des biens meubles et immeubles des prieurés et succursales sous obédience de l’abbaye toulousaine, dressé par l’évêque Bernard de Gentiac, reprend l’église de Miglos, qui possédait, outre des ornements de soie et divers objets de culte, un jardin et une vigne. Ce sanctuaire avait déjà trois absides.

 

Compte tenu de l’importance qu’elle devait avoir dans la contrée, l’église Saint Hilaire d’Arquizat, jusqu’alors rattachée à Vicdessos, est érigée en prieuré, avec pour succursales Mercus et Arignac, le 10 des kalendes de mai 1299 (22 avril), par l’abbé de Saint Sernin, Sanche de Aïssada.

 

Le premier prieur fut le chanoine Bérenguier de Montvieux qui, en 1301, signe avec la Fabrique une convention relative à l’attribution et l’emploi des dîmes, ainsi qu’à la nomination des fabriciens.

 

Au tout début du XIVe siècle également, l’église a été agrandie et transformée. Une charte du 3 août 1309 (conservée aux Archives Départementales de l’Ariège, Série E) porte le détail des travaux qui seront réalisés. Le contrat a été passé entre deux fabriciens, au nom des habitants de la paroisse, et Arnaud de Savignac, maçon de Tarascon. Le chapelain était alors Roger d’Alzonne. La Fabrique s’engageait à transporter jusqu’à l’église le bois, la chaux et l’ardoise. Pierre de Miglos, damoiseau, se portait caution de l’entrepreneur, qui devait recevoir pour son paiement, la jouissance, pendant 32 ans, de deux prairies arrosables, représentant un revenu annuel de 50 sous toulsas (toulousains). L’argent était rare en ces tempslà…

 

En avril 1321, un accord interviendra entre le prieur Guilhem de Serras et les consuls de la vallée, pour régler un nouveau différend relatif à la perception de la dîme, qui devra être payée aussi bien par les nob1es que par 1es manants (redevances portant sur 1e bétai1, animaux de basse-cour, céréales, vendanges, foin, légumes et fromages).

 

Le 26 juin 1326, à la suite du décès du recteur de Miglos, Bernard Munier, son remplaçant est présenté au vicaire général de l’évêché de Pamiers par le chanoine de Saint Sernin, comme le voulait la coutume.

 

A son arrivée à la cure d’Arquizat, le 18 juin 1328, le vicaire perpétuel, Bertrand (ou Bernard) Martin, adresse au chapitre de Saint Sernin un état des biens mobiliers qu’il y a trouvés. A cette date, le prieur est Pierre de Maserato. Le même Martin est cité comme témoin de l’hommage rendu au seigneur Jean de Son, le 5 avril 1333, par la communauté de Miglos assemblée dans l’église paroissiale.

 

Faute de documents portant sur la vie ecclésiastique à Miglos, aux XVe et XVIe siècles, nous n’en connaissons que de rares détails.

 

Le 3 octobre 1454, Manaud de Couvre, nouveau seigneur de Miglos (par son mariage avec Catherine de Béon, héritière de cette baronnie) reçoit l’hommage de ses vassaux assemblés sur la place publique d’Arquizat. Parmi les témoins, on relève le nom de Bernard Dupuy, curé du lieu.

 

Une visite de l’église est effectuée par Jean de Regert, délégué de l’évêque de Pamiers, Jean de Barbanson, le 7 octobre 1551. Nous ignorons la teneur du rapport établi à cette occasion.

 

Concernant la période des Guerres de Religion, on sait seulement que les habitants de Miglos se sont joints à l’armée catholique du capitaine Traversier, qui a libéré Tarascon des huguenots le 9 juin 1569.

 

Le 9 octobre 1636, l’évêque de Pamiers, Henry de Sponde se rend à Miglos, mais ses écrits en la matière ne nous sont pas parvenus.

 

La date de la suppression du prieuré de Miglos (et son nouveau rattachement à Vicdessos) n’est pas connue non plus. Elle se situe cependant dans le début de la seconde moitié du XVIIe siècle. En effet, un acte notarié, délivré par le sénéchal de Foix le 23  mai 1653, cite le prieuré de Miglos (qui avait un revenu annuel de 700 livres), mais celui-ci n’existe plus en 1669.

 

L’évêque François Estienne de Caulet visite la paroisse le 26 mai 1669. Concernant l’église, il ordonne : « On blanchira le chœur, on vitrera la fenestre qui est du costé de l’épistre, on achètera un devant d’autel de quelque belle étoffe de plusieurs couleurs, un évangile de Saint Jean, une aube… On faira blanchir la nef et boucher les trous d’icelle ; on faira faire un confessionnal… Le peuple faira une porte au cimetière, du costé de la place, en sorte qu’on ne s’en puisse servir comme d’un lieu de passage… Le tout dans le délay de six mois, à peine d’interdit de l’église ».

 

L’évêque ordonne aussi la nomination d’un vicaire pour seconder le curé. Sa rétribution sera assurée par le chapitre de Saint Sernin, qui devra verser, pour ce faire, la somme de 60 sous par an.

 

Le 6 août de l’année suivante, le commissaire délégué Pierre d’Auterive mentionne également (dans son rapport à l’évêque précité) la nécessité d’adjoindre un vicaire au desservant de la paroisse, « comme c’était le cas autrefois ». Ceci sera réalisé un peu plus tard, puisque nous relevons le nom du vicaire Bortieses, en 1678.

 

De Caulet adressera deux mandements identiques aux paroissiens de Miglos, les 17 octobre 1672 et 26 janvier 1677. « Ayant appris que les habitants, sous prétexte que nous aurions toléré autrefois que ceux des villages ou hameaux éloignez allassent prendre quelque chose au cabaret après avoir ouï la messe, afin de pouvoir attendre les vespres, bien loin de garder cette modération font des excès notables et scandaleux ». En conséquence, il « défend aux hostes du lieu de recevoir aucun domicilier de ladite paroisse, pour boire, manger ou jouer, en quelque temps que ce soit ».

 

En 1675, sous le règne de Louis XIV, les habitants de Miglos refusèrent de payer « le quartier d’hiver et le don gratuit, impositions extraordinaires inusitées dans la province ». Une transaction interviendra par la suite et sera signée le 1er octobre 1678, à Foix, par les délégués de cette communauté : le syndic Arnaud Gouzi et le curé François Saleys.

 

Peu connus de mes contemporains sont les événements qui se sont déroulés à Miglos pendant le « schisme de la Régale », ayant opposé Louis XIV au pape Innocent XI (mort en 1689). La Régale était le droit qu’avaient les rois de France de disposer des revenus des évêchés vacants et d’y faire les nominations ecclésiastiques. En 1680, à la mort de l’évêque de Pamiers (De Caulet), Louis XIV entend bénéficier des privilèges en question, pour ce diocèse également. Une période de troubles va s’instaurer, qui ne prendra fin qu’en 1693, lors de la nomination, à la tête de l’évêché ariégeois, de Jean Baptiste de Verthamon, ayant le double agrément du roi et du nouveau pape Alexandre VIII.

 

En 1682, le Parlement de Toulouse oblige tous les prêtres du diocèse de Pamiers à reconnaître M. Dandaure, vicaire général régaliste. Malgré les risques encourus, de nombreux prêtres préféreront obéir à Jean Cercle, vicaire capitulaire de Pamiers, confirmé par le pape. Le curé de Miglos, Puysségur (ou Poysségur) et son vicaire, Mignonac, font partie de ces derniers. Ces deux ecclésiastiques, et Puysségur plus particulièrement, auront à subir pressions, outrages et violences, qui n’entameront cependant jamais leur fidélité au représentant de Rome.

 

Un prêtre régaliste, 1e sieur Ramon, fut nommé à Mig1os et chargé de réduire les deux récalcitrants par tous les moyens. C’est ainsi qu’en septembre 1685, après plusieurs échecs, ledit Ramon (accompagné du baron de Miglos, Louis Alexandre de Montaut, de ses frères et de quelques habitants du 1ieu) fit murer, « à 1a pierre et à 1a chaux », 1a porte de l’église et la fenêtre de la sacristie où s’étaient réfugiés les deux prêtres. On avait pris soin, auparavant, de vider l’eau des vases de fleurs et du bénitier, afin qu’ils n’aient même plus de quoi boire. Des hommes armés furent chargés de garder l’église jour et nuit, pour empêcher toute aide extérieure. Le curé de Niaux, Henri des Innocens, qui était leur ami (et luimême antirégaliste) put leur faire parvenir un peu de nourriture, le troisième jour de leur séquestration, grâce à l’intervention du baron de Miglos.

 

Au bout d’une semaine, les sbires du sieur Dandaure vinrent démolir le mur qui fermait l’entrée de l’église et emmenèrent le curé Puysségur à Pamiers, où il fut incarcéré pendant deux mois, dans la prison de l’évêché. Refusant toujours de se soumettre aux régalistes, il allait être transféré à la prison de l’Ecarlatte à Toulouse, lorsqu’il réussit à s’évader grâce à une complicité extérieure. Ce prêtre regagna aussitôt sa paroisse, où on le voit officier dès le dimanche suivant. Il ne pourra cependant pas terminer le prône, car sept ou huit prêtres dandauristes font irruption dans l’église et tentent de s’emparer de lui. Il s’échappera par la fenêtre de la sacristie et ira se réfugier chez le curé de Niaux, où viendra le rejoindre son vicaire. Toutefois, par suite de son grand âge et des privations subies pendant sa détention, M. Puysségur tombe gravement malade et décède le 28 février 1686.

 

En 1696, l’évêque Jean Baptiste de Verthamon note sur le rapport de visite à Miglos : « Les tribunes doivent être arrangées; le curé est un homme sage, attaché à son devoir et aimé de son peuple ».

 

A partir du début du XVIIIe siècle, les paroissiens de Miglos vont s’opposer à leurs curés successifs, au sujet de la dîme du foin. Ce problème ne trouvera son épilogue qu’en 1769.

 

En 1711, le chapitre de Saint Sernin remet à l’église d’Arquizat divers ornements, ainsi qu’un tableau pour le maître autel, représentant le Christ, la Vierge et Saint Hilaire, patron de la paroisse (ce tableau a disparu).

 

Actuellement, on parle beaucoup de l’aide aux personnes nécessiteuses : « les nouveaux pauvres » de Coluche et l’abbé Pierre. Plus de deux siècles auparavant, le curé de Miglos, Jean Mottes (qui y officia de 1713 jusqu’à sa mort survenue en 1746) institua « l’Assistance publique » en faveur des pauvres de cette paroisse. Sa fortune, entièrement constituée de capitaux, s’élevait à 15 736 livres, somme rondelette pour l’époque. Dans son testament (dont la teneur a été révélée le 23 septembre 1746 devant le conseil politique du lieu, par maître Jean Baptiste Boyer, notaire de Tarascon), il instituait comme administrateur de ses biens son successeur, qui était chargé d’informer annuellement les Marguilliers de l’usage qui en avait été fait.

 

Le 29 septembre 1746, Dominique Vergnies prend officiellement ses fonctions à la tête de la cure d’Arquizat (il y restera jusqu’en 1791). Selon les procèsverbaux de visites établis dans les années 1750 par deux chanoines de Saint Sernin, le curé bénéficiait du tiers des fruits décimaux et de 110 livres par an ; il avait un vicaire pour le seconder.

 

Le 30 août 1762, une importante coulée de boue (provenant du vallon de Norrat), consécutive à un violent orage, emporta huit maisons et granges, une partie de l’église et fit 10 victimes. Une catastrophe similaire, survenue le 3 juillet 1750, avait détruit 11 maisons et granges et tué 14 personnes. A la suite de quoi, pour la sauvegarde de la population, des dispositions avaient été prises puisqu’en 1787 il était rappe1é au cari11onneur l’obligation de sonner les cloches, selon la coutume, lorsqu’un orage menaçait d’éclater sur la paroisse. A noter qu’au début du siècle actuel, une messe anniversaire était encore célébrée chaque année, à la mémoire des victimes de ces deux catastrophes.

 

Revenons au curé de Vergnies, un plaideur par excellence. Son ministère sera ponctué par de nombreux procès qu’il intente à ses paroissiens, ainsi qu’au baron Pierre de Montaut, pour des motifs les plus divers, et en particulier la redevance des dîmes.

 

Le conseil politique de la communauté déchargera Vergnies de ses attributions d’administrateur du legs de Jean Mottes, en février 1789, car il négligeait depuis longtemps d’en rendre compte, comme exigé par le testateur. Peu après, d’ailleurs, les biens en question seront confisqués au profit de la République.

 

Toujours en 1789, ce curé aura également des démêlés avec son vicaire, Lacaze. Un scandale éclatera même entre ces deux prêtres, en plein office religieux. L’évêque sera saisi, et si Lacaze ne fut pas désavoué par sa hiérarchie, il fut affecté à une autre paroisse et remplacé par Laville. Le successeur de celui-ci, Pagès (1790/1791), sera le dernier vicaire de Miglos. A noter que de 1754 à 1791, douze vicaires s’y sont relayés sans interruption. Après la Révolution, le curé se retrouvera à nouveau seul pour s’occuper de la paroisse.

 

Le dimanche 13 mars 1791, à 1’issue de 1a messe, le curé Vergnies prêta serment (« la main levée sur l’autel ») à la Constitution, en présence du conseil politique et de la quasi totalité des paroissiens.

 

En 1793 et 1794, en pleine période révolutionnaire, les églises du district de Tarascon (comme partout ailleurs) seront dépouillées, alors qu’est inauguré « 1e cu1te de 1a Raison ». (A noter que 1es ég1ises seront rendues au culte le 7 Thermidor An XI : 26 juillet 1803). Selon les ordres du procureur de ce district, « les vases d’or et d’argent servant au culte catholique, et les croix, statues et autres objets de mêmes métaux seront envoyés à la Monnaie, pour les convertir en numéraire et servir à procurer des subsistances aux défenseurs de nos droits ».

 

Un état du 6 Thermidor An Il (24 juillet 1794) reprend le poids des objets du culte saisis dans les églises. Ainsi, on relève pour Miglos : « Argenterie 99 onces ; galons d’or 20,5 onces ; galons d’argent 17,5 onces ». (1 once = 31 grammes environ). Peu avant, les terres de la cure (deux champs et un pré) et de la Fabrique (trois champs et un pré) avaient été vendues au profit de la Nation et, le 30 Ventôse An II (20 mars 1794) le curé Jean Baptiste Dégueilh (successeur de Vergnies et également assermenté) doit présenter les vases sacrés de l’église aux officiers municipaux de la commune, pour inventaire.

 

En ce qui concerne les cloches, une seule était tolérée alors dans chaque municipalité, « pour sonner dans les cas d’alarme ». (L’usage du tambour avait été instauré pour annoncer les fêtes civiques). Les autres devaient être fondues. Il apparaît qu’à Miglos on a « offert » toutes les cloches à la Nation, puisque les deux qui se trouvent actuellement à l’église d’Arquizat ne datent que de 1845 et 1874. La fin du paiement de la plus ancienne est intervenu seulement le 1er mars 1851, grâce à un emprunt de 200 francs, contracté par la Fabrique auprès d’un habitant de Tarascon.

 

Le 25 septembre 1793, le Directoire du District de Tarascon publiait l’arrêté suivant « Toutes les croix des cimetières seront coupées et les croix en fer seront converties en piques, pour être offertes à la Nation ». Il ne pourra être appliqué à Miglos. En effet, Jacques Gardes, dont l’épouse était morte six mois auparavant, va ameuter (avec l’aide de ses quatre fils) la population de la commune. Les hommes, armés de haches, vont se placer en faction devant le cimetière ; ils mettront en fuite le commissaire du district chargé de cette besogne, qui était pourtant escorté de quinze gardes nationaux. Les croix de ce cimetière auront ainsi été préservées.

 

En 1849, le hameau de Norgeat est érigé en paroisse. Une église (également dédiée à Saint Hilaire) vient d’y être construite et un cimetière aménagé. Cette cure sera supprimée en 1901.

 

Début septembre 1854, l’épidémie de choléra qui ravage l’Ariège atteint Miglos, où elle fera 234 morts (sur une population de 1305 habitants). L’autorisation de transfert du cimetière d’Arquizat (trop exigu) est demandée avec insistance au préfet, par le curé Pierre Maurice Maury. Des correspondances émanant de ce prêtre, on peut extraire quelques renseignements significatifs . « Le cimetière, situé autour de l’église, est bien trop petit ; il est placé sur un terrain calcaire et les fosses sont peu creusées » (5 septembre). « La mortalité continue à sévir et nous ne pouvons plus procéder aux sépultures dans notre cimetière ; aujourd’hui on a fait trois fosses communes sur la place publique, qui est sous les croisées de mon presbytère » (12 septembre). Egalement édifiant, un rapport de la gendarmerie de Vicdessos, en date du 17 septembre, adressé au Commandant d’Escadron de l’Ariège : « Il y a aujourd’hui 13 cadavres à enterrer du choléra… Les fosses ne se font qu’ à 1,25 m au lieu de 2,25 m… Aucun médecin ne visite la commune ; le maire est malade, le gardechampêtre et le fossoyeur le sont aussi… ». En fait, le cimetière d’Arquizat sera transféré à Las Salinos (son emplacement actuel) l’année suivante.

 

Au cours du XIXe siècle, quatorze prêtres vont se succéder à la cure d’Arquizat. Le dernier d’entre eux, Sabas Maury (1890/1906) refusera de prêter son concours au percepteur de Tarascon venu dresser « l’inventaire des biens de la Fabrique d’Arquizet », le 27 février 1906 (conformément à la loi relative à la Séparation de l’Église et de l’État). C’est à Camille Toussaint, président du bureau des Marguilliers, que reviendra ce triste privilège. L’estimation globale, faite par l’agent de l’Administration, s’élevait à la somme de 12 664 francs, à savoir : 5 664 francs au titre de biens mobiliers, 6 000 francs représentant la valeur du presbytère avec son jardin et 1 000 francs pour le sol qui supporte l’église. C’est ce même prêtre qui, en 1892, fit construire une seconde sacristie jouxtant celle, trop exiguë, qui existait déjà et à laquelle on accédait depuis la chapelle Saint Blaise (ancienne chapelle seigneuriale), située dans l’absidiole de droite. A noter que Sabas Maury est l’auteur de l’hymne à l’Ariège bien connu de nos anciens : « Arièjo o moun païs »(composé à Miglos).

 

Il a souvent été question, dans ce texte, de la Fabrique et des Marguilliers. La Fabrique était le conseil qui administrait les biens de l’église. Le curé et son vicaire en étaient bien sûr membres de droit. Ils étaient secondés par les Marguilliers (ou Fabriciens, suivant l’époque ou la région), renouvelés en principe chaque année. Ces paroissiens « prêtaient serment, devant la croix, de fidélité et de zèle pour le service du Temple Saint ». A Miglos, au XVIIIe siècle, les Marguilliers étaient élus lors de la messe du Jour de l’An, fête de la Circoncision. Au XIXe siècle, cette cérémonie se déroulait le jour de Quasimodo (en avril). On désignait ainsi 5 ou 6 Marguilliers.

 

La petite église d’Arquizat n’a plus de desservant en titre depuis le 14 novembre 1961, date du décès de Joseph Teulière, dernier curé de Miglos. Celuici y avait officié pendant un demi-siècle (1911/1961); il repose dans le cimetière, à quelque distance du château féodal.

 

Le 13 janvier 1969, est officiellement créée (à l’initiative de Mme Boulanger, en particulier) « l’Association pour la Rénovation de l’Eglise de MiglosArquizat » (loi de 1901). Cette organisation a obtenu l’inscription de l’édifice à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques, le 27 décembre 1973. Depuis lors, des travaux ont été réalisés sous l’égide des Bâtiments de France, afin de restituer à ce monument son caractère roman d’origine. Cette tâche est quasiment terminée à ce jour.

 

C’est en 1967 que le presbytère, contigu à l’église, a été racheté à la commune (maire : Jean Fauré Braguilh) par la famille Pierre Boulanger, d’Arquizat.

 

Le sanctuaire d’Arquizat était jadis le lieu de rencontre dominical de tous les habitants des hameaux de la vallée de Miglos. On y venait écouter la messe, les vêpres et la bonne parole du curé, avant d’aller débattre des divers problèmes du moment sur la place de l’église ou à l’auberge du coin. En ces tempslà, la foi n’était pas un vain mot, et l’on n’hésitait pas à solliciter l’Eternel pour tout ou n’importe quoi. Ainsi, le 2 août 1864, a eu lieu « une messe chantée pour demander à Dieu la pluie ». Le célébrant, Jacques Célestin Daran, a reçu 3 francs d’honoraires ; gageons qu’il a bien accompli son travail puisque, curieusement, cette requête a été exaucée au-delà de toute espérance. En effet, « un violent orage, survenu le 6 août à 6 heures du soir, a occasionné de nombreux dégâts dans la commune (où seul le hameau de Norgeat a été épargné) et en particulier à l’église et au presbytère d’Arquizat », tant et si bien que le préfet octroyait à la Fabrique une subvention de 150 francs, pour les réparations à effectuer à ces édifices. Un sujet à méditer : une vieille recette météorologique oubliée…

 

Afin que ne soit pas oublié non plus le riche passé de l’église Saint Hilaire d’Arquizat, il m’a paru nécessaire d’en retracer sa longue histoire. Et, à défaut de la considération de mes semblables, cette démarche m’apportera, je n’en doute pas, une indulgence plénière…

 

 

 

Gérard LAFUENTE Juin 1986