Le passage d’Inge Berlin

(sources : « Egon Berlin, l’enfant juif de Roquefixade », J.J. Pétris, 2001) :

 

Inge Berlin est la sœur de Egon, tué au maquis de Roquefixade le 6 juillet 1944. Elle fait partie de la centaine de réfugiés (généralement de confession juive) venant d’Allemagne ou d’Autriche ayant trouvé asile au château de La Hille (commune de Montégut-Plantaurel).  Parmi eux, les adolescents de plus de 16 ans ont été sauvés de justesse par la Croix Rouge Suisse, alors qu’ils avaient été arrêtés et internés au camp du Vernet, prêts à partir pour Auschwitz. Fuir était devenu l’obsession : c’est ce qu’ont tenté bien de ces jeunes là. Parmi eux : Inge Berlin… Une première tentative avait échoué. La seconde sera la bonne.

 

« Fin mars 43 : les mêmes décident de franchir, à nouveau les Pyrénées.

Inge, Mme et Mr Frank passent, dans la nuit, à la ferme de Borde Blanque, chez Mélanie Saurat (où ils mangent), puis à celle de La Hillette avant de se rendre chez Mr Lavigne à Saint Victor Rouzaud… Le lendemain, ils vont à La Bastide de Sérou où une personne les emmène auprès du passeur. Au point de ralliement, c’est la surprise : beaucoup de personnes sont rassemblées pour un passage en Espagne. Des discussions interminables s’engagent pour déterminer des priorités. Alex Frank décide, alors, de partir au plus vite. Un autre contact lui est fourni pour les aider : ils partent le rejoindre…

Arrivés au lieu dit, la personne qui devait prendre le relais n’est pas là… Une autre décision s’impose : l’on partira seuls… Monsieur Frank, qui avait repéré le circuit sur une carte qu’il possède, conduit Mme Frank et Inge…

Très vite l’on s’aperçoit que l’on n’a pas de chaussures adéquates ; qu’une boussole aurait été la bienvenue ; que les provisions sont trop justes ; et que rien n’a été prévu pour la pluie qui s’est mise à tomber…

Dans la nuit, le groupe rencontre une ferme isolée. L’on frappe à la porte : une femme ouvre. Elle n’a pas l’ait surprise et ne pose aucune question ! Même plus, elle va prendre des provisions et les offre . Une fois restaurés, les fugitifs vont dormir dans une grange avec l’assurance que le lendemain le fils de la fermière les accompagnera jusqu’à la frontière, car passer les cimes de la montagne sans guide connaissant les lieux était une absurdité.

Au petit matin, le groupe reprend la marche dans les sentiers. Après avoir montré la route, le jeune paysan s’apprête à rebrousser chemin sans rien demander en échange. Mr Alex Frank, Elka et Inge fouillent leurs poches et remettent leurs deniers dans le béret du berger pour le remercier.

Aucun garde frontière n’a été aperçu… La frontière espagnole est franchie, après 63 heures d’efforts.

Un berger et une bergère furent les premiers espagnols rencontrés. Eux non plus ne semblent pas surpris de leur présence. Leur hospitalité se démontre rapidement. Un abri leur est offert ainsi qu’une collation : de la polenta et du lait de chèvre. Epuisés, les évadés peuvent, enfin, récupérer des forces dans une grange de foin.

Mais très vite, un garde-frontière arriva… Très poli, il les conduit en voiture officielle à Lérida. Bien que prisonniers l’on est heureux de n’être pas renvoyés en France ou maltraités »

Alex Frank, belge demandera, avec sa femme, l’aide du consulat de son pays. Il rejoindra les forces aériennes d’Angleterre pour devenir mitrailleur de bord dans la Royal Air Force.

Quant à Inge, à Barcelone, elle sera recueillie par le « Joint Distribution Committee » fondé spécialement pour les apatrides…

Après avoir tenté, en vain, de faire évader son frère, Egon, elle pourra émigrer aux USA où elle vit toujours…