LE MAQUIS DE ROQUEFIXADE

Reproduction du texte du livre « Le Maquis de Roquefixade », paru en 1999

Liens hypertextes et sous-titres de la table des matières

Préface de Jean SANNAC

Avant-propos                     

Chant des maquisards                      

Approches historiques     

L’occupation allemande    

La Milice                                             

L’opinion publique                            

Le STO                                 

Situation des mouvements de résistance en juin                    

Les Guérilleros et les FTP : même combat                     

Les Guérilleros                    

Les FTP                               

Qui sont les membres du maquis FTP de Roquefixade               

Le quotidien des FTP                        

Exemple du vécu d’une patrouille FTP entre le 22 juin et le 25 juin 44 (1er détachement)    

Quelques faits et actions dans les environs de Roquefixade : mois de juin   

Les combats de Roquefixade 

Le maquis à Roquefixade                              

L’explication des combats de Roquefixade                   

Le retentissement des combats de Roquefixade          

Le repli sur le Col de la Lauze                                          

Les premiers jours au Col de la Lauze : quelques faits…     

Annexe                 

(Le 8 juillet à Roquefixade et à Foix)

Les obsèques des maquisards                        

Les FTP tués à Roquefixade                            

Maquisards présents à Roquefixade              

Les monuments rappelant Roquefixade         

 

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PRÉFACE

 

 

                        Midi à Roquefixade. L’air pur et vif de la matinée a, peu à peu, cédé la place à la chaleur de l’été. La montagne et la nature environnante s’installent dans une tranquille somnolence troublée seulement par le chant des grillons. Nous sommes le 6 Juillet 1944. A cet instant, on pouvait penser que rien ne pourrait troubler ce calme, cette sérénité…

                        Et soudain, la tempête s’abat sur les rocs et les hommes : la « Bataille de Roquefixade » vient de commencer ; le village accroché à la montagne, au nom dur et poétique à la fois, et ses habitants, viennent d’entrer dans l’histoire.

 

                        Les pages qui suivent, fruit de l’important et minutieux travail de recherches et de recoupements de Jean-Jacques PETRIS, nous font revivre un moment de l’histoire de cette Ariège libre et fière, dure et accueillante.

                        L’auteur nous décrit l’organisation et la vie de ce qui fut la 1ére Compagnie de Francs Tireurs et Partisans Français de l’Ariège qui deviendra, par la suite, la 3101éme Compagnie de FTPF. Nous allons tout connaître de la période qui précéda le 6 Juillet 1944 dans cette région et des événements qui s’y produisirent en cet été de 1944. Après cette lecture, vous comprendrez mieux ces hommes du « Maquis de Roquefixade » qui sont parmi ceux à qui vous devez de vivre dans un pays libre.

                       

                        Plus d’un demi – siècle après, le vieil homme que je suis, revoit ces visages fraternels figés dans une éternelle jeunesse : FRANCOIS et ROGER, ROBERT, KLEBER et MARCEAU, EGON et les autres, tous les autres… ; et « ROBINO » tombé au « Prince », quelques jours après, avec FERRIE et MIQUEL ; et Jules BLANDINIERES, l’appaméen du « Pont Neuf », tué le jour de la Libération de sa ville ; et Henri LABATUT, l’  « instit » de Mirepoix, mort au cours d’un combat en Indochine ; et « ARMOR », le breton, chef d’une brigade de gendarmerie, disparu dans ce même lointain pays ; et Michel PROVALKI, disparu après son retour dans l’ancienne U.R.S.S. ; et tous ceux, qui, au fil des ans, nous ont quittés : Claude CORTES (« LEBLOND »), blond comme les blés, tarnais de Saint-Sulpice-la-Pointe ; et Siméon SARDA (« Pierre BREVILLE »), l’appaméen de Saint-Jean-du-Falga, les plus récents disparus…

 

                        Mes souvenirs remontent et se bousculent : d’autres visages amis se présentent : Amilcar CALVETTI (« Jean TORRENT », « Colonel LOUIS »), André LACOSTE (« ABEL »), le catalan de Rivesaltes ; Marcel FRECHOU (« Marcel CADERO »), le tarbais ; Emile DARAUD et Baptiste ARLE, les appaméens : tous anciens responsables FTPF, avec notre chef à tous, LUCIBELLO (« Jean LABORDE »), l’interrégional, mon ami et celui de CALVETTI, sétois comme lui.

 

                        Je me laisse gagner par d’autres souvenirs auxquels se mêlent les Guérilleros Espagnols de la 3éme Brigade : Angel MATEO, mort en service commandé au lendemain de la Libération de Foix ; et Pedro ABASCAL (« MADRILES »), grand mutilé au service de la France, écorché vif par les injustices qu’il eut à subir ; et les combattants de la 35éme Brigade de FTP-M.O.I. : Marcel LANGER, ancien brigadiste de la Guerre d’Espagne, envoyé à une mort ignominieuse par des juges indignes ; « Maurice », le fourreur, tombé dans les combats de la gare lors de la Libération de Toulouse ; son inséparable ami, « Le Petit Marcel », arrêté à Saint-Etienne, déporté au Camp de Dachau, abattu lors de l’évacuation du Camp, et qui avait voulu me faire transmettre un message d’amitié et d’espoir, message qui me fut dit après sa mort.

 

                        Tout à l’heure, le Comité de Pamiers de l’A.N.A.C.R. (Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance) va se réunir. Je vais retrouver des amis, des frères, quelques uns de ces « Anciens Francs-Tireurs et Partisans ». Nous échangerons des souvenirs , parlerons de nos familles, de notre santé, mais en toile de fond, où seront imprimés leurs jeunes visages, ils seront là, parmi nous… comme ils l’ont toujours été depuis… « Ceux de Roquefixade » et les autres…

 

                        Le mérite est grand de Jean-Jacques PETRIS de nous avoir fait revivre cette période de notre vie et à la question qu’il nous pose, après tant d’autres : « Et si c’était à refaire ?… », ils répondraient : « Présent ! », eux, « Les Tués de Roquefixade », et nous ne pourrions pas ne pas les suivre…

 

                                                                      

 

Le 29 Janvier 1999 :

 

Jean SANNAC, alias « Jean FERRAND »


 

 

 

Avant-propos

 

 

                        Les recoupements et la synthèse ici présentée sont issus de :

 

n    documents provenant de la Cie FTP ou des FFI 

n    des témoignages d’anciens maquisards, essentiellement FTP, mais aussi de l’A.S., des Guérilleros, sans compter d’habitants de Roquefixade, du Col de la Lauze, Vira…

 

Parmi ces derniers, je tiens à remercier pour leurs témoignages, leur accueil et leur aide :

n     les maquisards FTP: Jean Sannac alias « Jean Ferrand », Bénito Perez (« Michel Oscar Bataille»),  René Castel (« Lapin »), André Laguerre (« Dédé la Fraise »), Tomasoni César (« Robinson »), Ramon Castillo (« La France »), Emile Bustamente (« Milou »), Pages Aimé (« Le Crieu »), Marin Sébastien (« Jean Dupuy »), Sarda Siméon (« Pierre Breville »), Daniel Pujuila (« Daniel »), Gustave Meyer (« Valmy »), Gilbert Allégre (« Jim »), Cuenca Hilarion (« Robert Leclerc »), Marcel Blum (« Lacoste »), Roger Bellecoste (« Ardent »), Michel De Bon (« Bidouche »), Segundo Herraez (« Coco ») ;

n     José Alonso (« Commandant Robert »), chef d’E.M. des guérilleros de l’Ariège ;

mais aussi, à des titres divers :

            Robert Fareng, Cordola Lucien, Hubert Laguerre, Louis Clerc, Bauza André, Roger Morereau, Georges Joffres, André Bonnefont, Henriette Eychenne, Georgette Gadail, René Clanet, Pierre Séguela, Berthe Sicre, Georgette Ciet, L.R. Delmeau, Léa Miquel, Jean Stalh, Louis Barthe, Rémy Maury, G. Ferrié, Yvonne Esquirol, Mme Péries, Mme Maury (née Bertrand), R. Canal, Aimé Fonta, J. Canal, Théophile Arabeyre, Authier Roger, Mme Bort, Y. Maris, J.C. Sutra, la Fédération des Anciens Combattants, F. Murcia, P. Espino, Mme Blum, Hubert Clanet, Marius Olive,  Alice Authié,  Germain Sicre, Emile Prat, Mme Prat,.. (et tous ceux qui ne sont pas cités !…mais qui se reconnaîtront…).

           

n     les travaux de :

Claude Delpla, André Laurens, Annie Cazenave, Emilienne Eychenne, Pierre Bertaux, Ravanel Serge, Delperrié de Bayrac, Lucien Maury, Danielle et Jean Charles Sutra, « Abel » Lacoste, Mathilde Mir, Raymond Escholier, etc…

 

n     Les journaux:

du « Patriote de l’Ariège », du « Patiote du Sud Ouest », de « La Depêche », de « Ariège Libre », de « Liberacion » , de « La Victoire »,  de « Légion française.. », de « La République », de « Le réveil Saint Gironnais », de « Ariège socialiste », de « L’Avenir » etc…

 

 

 

 

 

Deux parties sont traitées dans cet ouvrage :

 

1) Une approche historique de la situation en Ariège à la veille de la Libération, destinée, en particuliers, aux générations nées après elle, permettra d’appréhender les circonstances et ses acteurs ;

 

2) Le déroulement de cette attaque du maquis sera tenté : le cloisonnement de l’organisation et le fait que ses membres avaient des noms d’emprunt ne rend pas la tache aisée.

Cependant, le recoupement des témoignages de personnes ayant vécu cet événement sur des positions géographiques diverses, avec des missions différentes, a permis de faire une synthèse. Je tiens, à ce sujet, à remercier les « acteurs » pour avoir bien voulu participer, individuellement et en groupes, à son élaboration (sans oublier ceux qui, éloignés : Alsace, Narbonne, Canada…, ont œuvré par téléphone et par courrier).

L’identité de certains maquisards, pourtant présents à Roquefixade, n’est pas explicitement mentionnée, faute d’avoir pu recueillir leurs récits ou n’ayant pas été cités par leurs camarades témoins : ils sont, bien que restant dans l’anonymat, associés au vécu de la Cie durant l’attaque dont ils furent l’objet. Ce fait résulte, d’une part, des contraintes de la clandestinité qui font que les uns et les autres ne se connaissaient que peu (et sous de faux noms) ; et d’autre part, par le fait que, sous le feu de l’action, la priorité n’était pas de noter les noms des camarades et leur action respective ! Une remarque s’impose : les liens affectifs (très forts) qui existent entre maquisards, résultent autant de vécus personnels que ceux de groupes qui se sont trouvés face à une situation d’exception.

 


 

 

 

                                               Chant des maquisards

transmis par André LAGUERRE dit « DEDE LAFRAISE »

 

 

 

              1)  Il est dans les taillis de France

                        Un régiment de jeunes soldats,

                        Ces gars là n’ont pas  chance

                        Les maquisards et  nous voilà.

                        On nous appelle les « réfractaires »

                        « Les terroristes » , »Les hors la loi »,

                        Et pourtant, il n’y a rien à faire

                        La France on la libérera!

                        De notre peau, on s’en fout, on s’en fout!

 

 

                                   REFRAIN:

 

                                               Nous sommes de la Résistance

                                               Et de De Gaulle les soldats

                                               Et nous libérerons la France

                                               De cette bande de renégats

                                               Des Pyrénées jusqu’ en Bretagne

                                               La Victoire nous accompagne

                                               Avec ceux de la Résistance

                                               Alors, debout la France!

 

                       

 

            2) Les boches à notre poursuite

                        Voudraient nous faire travailler

                        Et nous avons tous pris la Fuite

                        Les laissant là se débrouiller

                        Les Miliciens voudraient nous prendre

                        Pour nous envoyer au Poteau

                        Mais ce sont eux qui se feront pendre

                        Cette bande de saligauds

                        Les « milicaux » au poteau, au poteau!

 

                                  

 

 

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APPROCHES HISTORIQUES

 

 

L’occupation allemande

 

 

                                   L’occupation allemande effective et sensible de l’Ariège se fait à partir du 12 Nov. 42. Une « Kommandatur » est installée à Foix, siège du commandement des postes des frontières et des membres de la « Sipo », police de sécurité (au château de Lauquier).

                                   Des troupes sont installées à Foix, Pamiers, Mirepoix, Lavelanet, Ax et Tarascon (siège de la douane). Des tours de guet s’installent; des patrouilles sillonnent le pays, vont voir les responsables des communes, mènent des actions de répression aux côté des forces du gouvernement de Vichy, en particuliers contre les mouvements de Résistance. Il s’agissait, aussi, de punir et de dissuader la population d’aider « les terroristes ».

                                   Selon « Libéracion », organe d’expression de la 3° Brigade des Guérilleros (7 Septembre 44), lors de la Libération de Foix, s’y trouvaient : 2 officiers supérieurs, 25 officiers et 120 soldats.

                                   Lors des actions, les troupes allemandes peuvent être aidées par celles de Toulouse ou se mettent en retrait, laissant l’exécution de la mission aux forces de la milice et (ou) des GMR (C.R.S. de nos jours). Ce sera le cas à Roquefixade lors des combats du 6 juillet 1944.

 

                                                          

 

La Milice

                       

                        Institution officielle de l’état français, selon la loi du 30 janvier 43, la milice est une transformation du SOL (Service d’ordre légionnaire et police parallèle formée en 42) qui avait pour but de « lutter contre la dissidence gaulliste, contre le communisme, pour le nationalisme, contre la « lèpre juive » et pour la civilisation chrétienne ». Elle possède un corps armé et encaserné: la Franc-Garde. Les forces administratives et policières la soutiennent. Des relais civils se trouvent partout dans la population…

                         La Légion (« Légion Française des Combattants », nom voulu afin que les anciens soldats de 14-18 adhérent…) dont est issue la milice comprenait, en juillet 42, plus de 10 000 adhérents en Ariège. On ne peut pas dire que tous les miliciens étaient pro-allemands. Certaines personnes (la grande majorité) ne l’étaient que de nom: des prisonniers en Allemagne y étaient inscrits, bien qu’absents; d’autres l’ont été (et pas des moindres qui durent en subir les conséquences à la Libération) par pure amitié pour l’un d’eux, par exemple; par ignorance ou pour suivre un mouvement auquel il est bon d’appartenir…

                        En avril 43, une mission est assignée à la Milice:

                        – signaler toutes les menées antinationales (marché noir…), les écoutes des radios étrangères, les refus du Service du Travail Obligatoire (STO)…

                        – désigner les personnes qui pouvaient être dangereuses dans les communes, en particuliers les communistes…

                        Cette action de délation entraînera, dés l’automne 43, une rupture avec la majorité de l’opinion. Plusieurs petits maquis se constituent; des mouvements de résistance se font jour; des tracts à la rébellion sont distribués… alors que l’occupation allemande est effective en Ariège. De plus, le travail obligatoire au service des allemands est une réalité à laquelle sont confrontés  les habitants; de même, les réquisitions imposées augmentent l’animosité…

                        La Milice est désormais clairement perçue, non seulement au service du gouvernement de Vichy mais aussi de l’occupation allemande. Les actions contre elle se multiplieront: ce que fera le maquis installé à Roquefixade par des attentats ou des exécutions , étant entendu que les autres groupes de résistances feront de même…( Ceci pou rappeler que nous nous attacherons aux actions des FTP du secteur qui nous concerne ….)

                        Selon A. LAURENS, « au printemps 1944, les jeunes souvent issus de milieux pauvres sont attirés par le caractère militaire et policier que revêtait alors la Milice et les avantages qu’elle leur offrait » (salaire, habits, logement, nourriture…)

                        Entrer dans la Milice était aussi une façon d’échapper au STO.

                        C’est pourquoi, les miliciens qui ont attaqué le maquis de Roquefixade ne l’ont pas tous fait par conviction. Bon nombre d’entre eux menait une opération militaire aux ordres de leurs chefs, qui, eux, agissaient dans une mission précise.

                        Fin mai, la Franc-garde encasernée à Foix comprenait environ 100 hommes qui portaient l’uniforme (pantalon bleu marine, chemise kaki, béret, ceinturon et insigne). La  municipalité de Foix consentait, alors, un bail de 2000 F à la Milice pour l’immeuble qu’elle occupe au Champ de Mars.

 

 

 

 

                                                           L’opinion publique

           

 

            Pour la période qui nous intéresse, c. à d. les années 43 et 44, la population est ballottée entre des informations et des propagandes contradictoires. Le journal, parmi d’autres, le plus lu, « La Dépêche », est au service de la Milice et de l’occupant (et cela jusqu’à Août 44). Les actions des maquisards sont déclarées comme étant « terroristes ».

                        Dans les communes, bien des municipalités ont été révoquées et remplacées par l’autorité préfectorale en « délégations spéciales »: ce fut le cas, en Ariège, pour 53 d’entre elles. Ce qui posa des problèmes de légitimité et créera des conflits  politiques.

                        Si la psychologie de ces temps là inclinait à respecter les notables et à les craindre, des courants de pensées s’infiltraient dans les tissus populaires. Les réalités quotidiennes (réquisitions, délations, restrictions alimentaires, service du travail obligatoire, climat perpétuel de suspicions…) et la montée en puissance d’actes de résistance (attentats, sabotages, maquis…) vont rapidement modifier la perception du vécu de l’occupation. Une économie parallèle s’intensifie: le marché noir par le biais des productions agricoles et la contrebande (bien que pourchassée par les autorités administratives et leurs relais…).

                        « N’avoir rien vu et ne rien dire » reste le mode de vie général. Dans les faits, seule une poignée de personnes sera engagée dans la rébellion. La « Grande Guerre » n’est pas si loin que çà dans le temps… La nouvelle se situe loin de nos contrées du sud (même si l’on se sent concerné ne serait-ce par les prisonniers issus de nos communes), mais elle n’est pas tangible jusqu’en fin 1942. Cependant, certains milieux (miliaires ou syndicalistes et politiques) ont déjà pris soit des contacts, soit des mesures d’anticipations.

 Néanmoins, l’animosité envers la Milice va s’accroître et les actes de résistances – s’ils soulèvent parfois la crainte de représailles – deviennent populaires et préparent l’insurrection générale (terme traditionnel qui cache la multitude des combattants ou résistants de la première ou  de la dernière heure, sans compter les opportunistes…).

 

 

 

 

                                                                       Le STO

 

 

 

                        Le 16 Février 43, le gouvernement de Vichy institue le STO (Service du Travail Obligatoire). Y étaient assujettis tous les jeunes nés entre le 1er Janvier 1920 et le 31 Décembre 1922, puis étendu aux années suivantes. Les premiers départs se font à partir de Pamiers, le 17 Mars.

                        Face au STO, la population se sent concernée. Une résistance s’installe et fait en sorte autant de dissuader les jeunes de partir que d’entraver le processus administratif de fonctionner normalement.

                        Plusieurs réponses à cette situation ont été faites:

                        – certains ont dû partir;

                        – certains ont bénéficié d’exemptions. C’est le cas, par exemple pour deux habitants de Roquefixade: LASSEUBE Léonard de la classe 1924 et de Gilbert SICRE, classe 1926, à la demande des maires de Roquefixade, Nalzen, Leychert et Soula qui écrivent au préfet, le 24 Mars 1943, pour demander le maintien des deux maçons charpentiers de Roquefixade « absolument indispensables ».

                        – Certains ont adhéré à la Franc Garde, car le gouvernement exemptait du départ en Allemagne les miliciens qui s’engageaient dans leur corps armé.

                        – Certains ont traversé les Pyrénées soit pour fuir et se cacher, soit pour rejoindre les forces de l’Afrique du Nord. Dans la zone de la Vallée de Lesponne, plusieurs circuits ont existé. Le plus connu est celui de « La Charmille », chez le restaurateur Jean DUBIE (qui fut déporté avec d’autres passeurs ou aide-passeurs de son réseau).

                        – Certains se sont engagés dans les premiers maquis ou les ont fondé (à Croquié, par ex.), ou par l’intermédiaire de relais, comme la ferme de Bonrepeaux à la Tour du Crieu ou Manses, dans la forêt de Belène qui servait de centre de tri, car des agents de la Gestapo pouvaient s’y infiltrer ou Vira. A noter, ce qui est révélateur, que les registres municipaux de Roquefixade eux-mêmes parleront des maquisards avec le qualificatif de « réfractaires »…

                        – Certains se sont cachés en attendant la fin des opérations. De nombreuses fermes, désaffectées ou pas, ont servi d’abri aux réfractaires du STO et étaient ravitaillés par la population. Il en est de même pour des exploitations forestières et les mines ou carrières. Certains jeunes avaient « disparu » mais vivaient à deux pas de leur domicile dans l’entière clandestinité et étaient ravitaillés uniquement par la famille.

 

 

 

 

            Situation des mouvements de résistance en juin 44

 

 

                        Il est évident que les options politiques sont au coeur des mouvements de la Résistance. Cette dernière prendra donc des formes diverses.

                        Les réseaux et groupes clandestins ont eu des fortunes différentes (scissions ou fusions, représailles ou trahisons, déportations ou assassinats…). Leur présence ou leur absence dans l’action à la veille des combats de Roquefixade et de la Libération est le résultat de plusieurs années de lutte.

                        Au 6 Juin, ne restent que 2 mouvements vraiment organisés: les guérilleros et les FTP. L’explication de ce fait pourrait résider dans les faits suivants:

                        -1) L’expérience de la clandestinité: ces deux structures, d’obédience communiste, ont, par le passé, été pourchassées: elles ont ainsi pris, depuis longtemps, des mesures structurelles pour éviter les « fuites » ou les pièges. C’est, par ex., la pratique du « Triangle » (groupes de 3 personnes indépendants des autres). La clandestinité est un vécu quotidien…

                        – 2) Il est à remarquer que les responsables de ces mouvements ne sont pas – en général – issus de la terre ariégeoise. On y trouve des personnes du Languedoc (Séte, Narbonne…), des Pyrénées Centrales (Tarbes, par ex.) etc. sans compter les espagnols… Celles-ci sont donc inconnues au niveau local et cela réduit les chances de repérages de liens avec la population. De plus, l’esprit de solidarité pour la « lutte finale » joue à plein chez les communistes. Les responsables locaux travaillent en profondeur sur le terrain (BUILLES et AMIEL dans la région de Mercus, SANNAC sur Pamiers etc.) et se mettent en retrait tout en étant au coeur du dispositif.

                        – 3) L’amateurisme du départ – qui engendre des déboires (lot de tout mouvement naissant), est très vite transformé en organisation chez les communistes. Si les FTP et les Guérilleros ont été les premiers touchés, ils sauront jusqu’à la Libération se maintenir opérationnels malgré les actions successives d’anéantissement dont ils ont été l’objet.

                        Leur survie s’explique donc par une habitude intrinsèque de la clandestinité qui implique une organisation particulière. Enfin, étant les premières cibles, l’obédience communiste tire très vite les leçons. Les autres structures ne sont démantelées qu’à la veille du débarquement du 6 Juin et n’auront pas le temps de se recomposer…

 

 

                        Cependant, la résistance en Ariège n’est pas seulement faite du courant communiste…

 

                        La résistance socialiste se crée très tôt autour de François CAMEL (seul parlementaire ariégeois sur les 5 n’ayant pas voté la confiance à PETAIN: il sera assassiné le 1er Mai 41);puis de COSTEDOAT, PEYREVIDAL (fusillé à la veille de la Libération de l’Ariège)…:c’est le Comité d’ Action Socialiste. Un officier, FROMENT, constitue une Armée Secrète: le « Groupe Froment ».

                        En Octobre 41, ceux d’entre eux qui reconnaissent DE GAULLE créent « Franc-Tireur »: Jules AMOUROUX, Georges DURIN, Henri CAZALE, Ernest GIRET….Deux terrains de parachutage sont opérationnels (Rieucros et Saverdun).

                        Dans la même mouvance, apparaît le mouvement « Combat », en Octobre 42, alors que les forces allemandes investissent l’Ariège: parmi ceux-ci Irénée CROS, Marcel DUPUY, GOUAZE… Nombre d’évadés sont partis à travers ce réseau.

                        En Mars 43, sous l’impulsion de Jean MOULIN, « Franc-Tireur » et « Combat » fusionnent et forment les M.U.R. Le 27 Mai 1943, une fusion des divers mouvements de résistance se réalise : le CNR (Centre National de la résistance). Un premier parachutage d’armes s’effectue à Rieucros. Mais, en Décembre 43, à la suite d’une trahison, les responsables sont arrêtés (GOUAZE, AMOUROUX…) ou doivent fuir. Irénéé CROS est tué dans la nuit du 13 au 14 Décembre.

                        Ainsi donc, en juin 44, ne restent que des bribes de cette mouvance en tant qu’organisation (ce qui n’exclut pas une poursuite, même réduite, des actions). Des groupes armés existent pourtant et rejoindront, souvent, les FTP, comme une partie du maquis de Picaussel.

 

 

                        Le CDM et l’ ORA: Au lendemain de la capitulation, des officiers de l’armée créent le CDM (camouflage du matériel): véhicules, armes, etc. sont cachés en vue d’une lutte armée. Ce mouvement, en Novembre 42, se transforme en ORA (Organisation de la Résistance Armée) dont le patron est POMMIES (d’où le Corps Franc Pommies: section armée). Citons J. BRICE de BARY, René PUYO, Jacques REMAURY (du mouvement national des prisonniers de guerre et déportés).

                        Une nouvelle trahison anéantira ce mouvement en Mai 44 et le rendra inopérant à la veille du débarquement.

 

                         

 

                                   Les guérilleros et les FTP: même combat

 

 

 

                        Ces deux organisations, d’obédience communiste, ont pour actions la guérilla. Leur stratégie est d’être partout pour faire croire à un vaste mouvement de rébellion. Par groupes plus ou moins nombreux, des actions sont menées en divers points contre l’occupation allemande, mais aussi – et surtout – contre la Milice qui a, essentiellement, pour mission d’anéantir la mouvance communiste.

                        Le 2 Mai, Mr CONS, préfet, déclare sur la situation du département :

                        « Jusqu’à ces derniers temps, l’Ariège était classée et était en réalité parmi les départements calmes. Quelques rares attentats s’y étaient produits, mais étaient insignifiants, isolés et étaient le fait d’éléments étrangers agissant sans plans définis.

                        Cette situation est malheureusement en voie de changement. Des attentats plus nombreux s’y produisent. On y sent la marque d’une véritable organisation et ils sont en voie de multiplication »

 

                        Leurs idéaux politiques firent qu’ils avaient peu de moyens matériels et une logistique insuffisante: la méfiance à leur égard fut la règle. Pourtant, en Ariège, ces deux mouvements étaient les seuls organisés à l’annonce du débarquement en Normandie. Leur action de harcèlement permit de mettre fin à l’occupation et à l’autorité de la Milice dés la mi-août en Ariège.

                        Leurs opérations de commandos, qui exaspèrent l’ennemi, expliqueront les combats de Roquefixade et répondront à une mission qui leur est assignée: celle de maintenir sur place (en juin, juillet 44) les forces allemandes alors que les débarquements sur le sol français se font (Normandie) ou sont annoncés (Provence).

 

 

 

                                                           Les guérilleros

 

 

                        Lors de la guerre d’Espagne, après la victoire de Franco (aidé par Mussolini et Hitler), des espagnols républicains se replient en France. On en trouve dans des camps (comme celui du Vernet- où fut internée une partie de l’état major des Brigades Internationales et de nombreux responsables de partis communistes étrangers) ou dans des « Compagnies de Travailleurs Etrangers » (CTE). N’oublions pas, qu’en France, les communistes sont pourchassés dés 1939.

                        La seconde guerre mondiale ayant éclaté, la zone pyrénéenne non occupée devient le refuge des anti – franquistes et antifascistes qui veulent reconquérir l’Espagne. Des communistes espagnols pourchassés du nord de la France s’y retrouvent aussi. Ensembles, ils vont oeuvrer contre le nazisme qui veut anéantir le « bolchevisme ».

                         Les espagnols, travailleurs, disciplinés, ayant l’expérience en matières forestières et de carrières ou minières, oeuvreront par groupes – mais organisés – sur toute la zone pré-pyrénéene. Motivés, expérimentés, ils sont indissociables des événements vécus en Ariège durant l’année 44. Ils en seront souvent les moteurs et les points d’appui.

                        Dans le secteur qui nous intéresse nous en trouvons partout: à Celles, Freychenet, Montférrier, Saint-Paul, Nalzen… et surtout dans la région de Vira, Le Merviel, l’Herm… En général, leur activité de couverture est le charbon de bois.

                        Dés Novembre 42, le PC espagnol crée le 14eme Corps des Guérilleros (formé essentiellement de syndicalistes et de communistes). Il est formé de plusieurs brigades : la 1ére est celle des Pyrénées Orientales ; la 2éme, celle de la Haute Garonne ; la 3éme, celle de l’Ariège… La direction en est confiée au commandant Jésus RIOS[1]et s’installe à Dalou. Son chef est tué le 24 Mai, prés de l’Herm.

                        Le capitaine José CAMPAYO dirige, alors, la 3éme brigade Spéciale de l’Ariège jusqu’en 1943. Son P.C. est à Celles, sur la N117. En Octobre 43, CAMPAYO et Antoine MOLINA (de la 5éme brigade de l’Aude) sont condamnés par la justice spéciale de la cour de Toulouse.

                        Au printemps 44, les guérilleros, dont les maquis se multiplient dans le département, recomposent leur mouvement autour de José ALONSO dit « ROBERTO », José ESTEVEZ dit « MONTERO » et Angel MATEO. Trois bataillons sont créés. L’un s’établit dans le triangle Pamiers- Mirepoix- Lavelanet au Calzan et au Merviel notamment, commandé par Fernando VILLAJOS dit « TOSTADO ». Un autre se trouvera prés de Montségur avec Alphonso GUTTIEREZ dit « ALBERTO ». Le troisième à la Crouzette avec Alphonso SOTO dit « EL BARBERO ».

 

                        Les motivations politiques et les relations antérieures unissent tout naturellement communistes français et Espagnols. Les premiers vont s’organiser et former les FTP (1ere Cie de Ariège). Quant aux seconds, ils apporteront leur expérience militaire (opérations de guérilla, maniement des armes et explosifs) que n’ont pas – en général – les premiers.

                        La communion de pensée rapproche ces deux organisations: elles s’appuient les unes sur les autres et programment des opérations communes pour devenir l’élément essentiel de la résistance armée en Ariège.

                        A noter que les espagnols sont souvent utilisés comme passeurs. Le premier d’entre eux a avoir été dénoncé à la Gestapo et abattu, le 20 mai 43, en Ariège, est Miguel LUENGO GUILLEN, enterré au cimetière de Saint-Paul (premier fusillé de l’Ariège).

                        Cependant, l’Histoire de la Libération de l’Ariège, ne peut, en aucun cas, ignorer l’apport des guérilleros espagnols : Ils se confondent avec elle… Et la Libération de l’Ariège aurait été toute autre, sans eux…

 

 

 

 

 

                                                           Les FTP

 

 

 

                        Les combats de Roquefixade ont pour cible le maquis FTP. Il est, donc, naturel de s’attarder sur cette structure, organisation armée que les communistes créent, après s’être regroupés à l’intérieur du Front National (qui n’a rien à voir avec celui de nos jours!).

 

 

                        La création:

                        Les FTP sont, pour l’essentiel, issus du P.C., actif dans le département depuis septembre 1939 où il est décrété illégal et dont les membres doivent souvent vivre dans la clandestinité. La direction nationale envoie, en Ariège, en mai 43, Roger THEVENIN alias « ALAIN », originaire du Jura, pour créer les premiers maquis. Jusqu’alors, des groupes épars existent mais sans structure: « les groupes légaux » (formés de personnes qui avaient une activité salariée le jour et devenaient clandestins la nuit, comme à Pamiers où il en existaient 3). C’est ainsi que se crée le maquis de Rimont. Faisaient partie de celui-ci Alexis AUDEON alias « RENE »  (ancien des brigades internationales) et Achille BOCHETTO (narbonnais) qui furent tués le 18 septembre 43 à Pereille.  Puis, citons celui de Camarade qui sera anéanti le 17 Novembre 43 ou celui de Pereille fondé en Août 43.

                        Plus prés de Foix, se constitue un noyau de clandestins, à l’automne 43, sur les hauteurs de Mercus: Daniel PUJUILA, boulanger et militant communiste recherché, va se cacher, en compagnie de François ANDREU (employé de la SNCF à Narbonne), chez sa tante Marie PUJUILA. André LAGUERRE dit « DEDE la FRAISE », de Saint-Paul les rejoint avec Emile DUSSART dit « ANDRE DUVAL » ou « ROBINO », venu de Caen (et qui travaillait chez Noël SICRE, de Saint Paul).

                        Ils sont ravitaillés par Philippe AMIEL de Mercus, alors premier président départemental du Front National (issu de l’organisation spéciale du P.C.) et par son adjoint, Roger BUILLES alias « ROCHE », de Mercus (cheminot) qui deviendra responsable des FTP de la zone Amplaing, Mercus, Tarascon. La direction des FTP envoie « OSCAR », fin Février 44, à Croquié, pour former avec ce groupe, une unité de combat.  Les premières armes arrivent (Revolvers, grenades, dynamite)….Ce maquis prend le nom de « Bochetto » et sera à l’origine de la Cie FTP de Ariège après l’arrivée de CALVETTI Amilcar dit « LOUIS » ou « Jean TORRENT » et Benito PEREZ dit « OSCAR ».

                        De petits maquis, formés essentiellement de rétractaires au STO ou de militants recherchés, se créent de plus en plus. L’hiver 43-44 s’avère rude et montre les difficultés de ravitaillement et d’organisation. La sécurité devient difficile à assurer. L’on dénombre plusieurs morts lors d’affrontements (Le Port: le 9 septembre 43; Pereille: le 18 Septembre 43; Camarade: le 17 Novembre 43).

                        C’est ainsi que la Direction Interrégionale du P.C. décide d’organiser les maquis en Ariège. En avril 44 arrivent:

                        – Marcel FRECHOU alias « CADERO », tarbais, responsable politique et commissaire aux effectifs régional (CER) ;

                        – Manuel SERRA dit « GODEFROY », responsable militaire (COR)

                        – Louis GABARRE dit « GILBERT », commissaire technique (CTR)

                        – Léon JOSSELEVITZ dit « JACKY » (parisien), chargé du recrutement

                        – Vincent VERDUCCI alias « ANDRE BARRERE », charge des services de renseignements

                        et surtout

                        – Amilcar CALVETTI alias « LOUIS » ou « JEAN TORRENT », sétois, arrivé le  15 Avril, en charge des maquis ariégeois et de leur organisation (CO).

 

                        Le tout est coordonné par André LACOSTE dit « ABEL » qui arrive le 27 Avril 44, responsable du P.C. clandestin pour l’Ariège, et Jean LABORDE (de son vrai nom Casimir LUCIBELLO : comme CALVETTI, il était sétois et devint après guerre responsable national de l’ARAC) à l’état major de Toulouse (commissaire aux effectifs interrégional).

                        La tactique des FPT est celle dite de « La Boule de Mercure » : de petits maquis aux effectifs réduits, mais très mobiles, agissants en plusieurs points géographiques, de sorte d’être insaisissables et portant à croire à une vaste organisation.    

                        Le maquis était « l’avant garde de l’armée de Libération » comme défini dans le « programme d’action en Conseil National de la Résistance » (15 Mars 1944). Cependant, chaque groupe conserve sa liberté d’action, en fonction de ses moyens et de ses objectifs, mais dans le cadre de la stratégie définie par les autorités de la Résistance et des Alliés.

 

                                                                     

 

                        CALVETTI visite tous les maquis et rejoint Croquié. Il fait de Daniel PUJIELA alias « ANDRE  FAURE » son adjoint.

                        Après quelques actions à Mercus et Saint-Paul, il est décidé, fin mai, de se rapprocher du groupe de guérilleros se trouvant aux alentours du Merviel et de Vira (où existe un groupe FTP sous le commandement d’Aimé GOS, meunier de son état).

                        Deux actions sont décidées:

                        – Coordonner les différents maquis et collaborer avec les guérilleros espagnols. C’est ainsi que se fait un regroupement, à Vira, des groupes de Pamiers, Croquié, de ce qu’il reste de Camarade et de Pereille, soit environ 30 hommes.

                        – Créer un organe de presse, lien avec la population pour faire contrepoids à « La Dépêche » (alors pro-Vichy): ce fut « Le Patriote Ariégeois » (dont le premier n° est distribué gratuitement vers le 15 mai 44).

                        Dans le même temps, Camille SOUYRIS, alias « AUBERT »[2] devient chef départemental  des F.F.I. et met en place un commandement unique contrôlant l’ensemble des mouvements de résistance.

                        Les FTP, autour de CALVETTI, créent la 1ere Cie de l’Ariège ayant plusieurs sections (comme celle du Couserans avec René PLAISANT).

                        Le 6 Juin, CALVETTI lance un appel à la mobilisation et à l’insurrection: environ 150 jeunes arrivent à Vira pour s’engager. La Cie n’ayant d’armes que pour environ 80 hommes, beaucoup sont renvoyés chez eux tout en étant disponibles… C’est ainsi que les FTP légaux (vivant, antérieurement, chez eux mais affiliés à l’organisation) deviennent des FTP clandestins devant vivre au sein d’un groupe armé.

                        A partir du 6 juin, l’organisation de la Cie comprend:

                        – 3 détachements (ou sections) ayant chacune 25 personnes environ;

                        – chaque détachement comprend 3 groupes de 8 personnes environ;

                        – de plus, existe un détachement « hors rang »: c’est la section de commandement, avec le personnel du ravitaillement, de la cuisine, de l’infirmerie…

 

 

                        La Cie est commandée:

                        – par un commissaire aux effectifs

                        –   »        »            »   aux opérations

                        –   »        »            »    technique.

 

                        Plus tard, les FTP formeront plusieurs compagnies:

                        – la 3101 (sur la base des groupes de CALVETTI, puis de SANNAC)

                        – la 3102  (René PLAISANT, dans le Couserans)

                        – la 3103  (René BURG, dans le Pays d’Olmes)

 

                        La structure FTP est de type militaire (donc avec ses règles). Cependant, vivant dans la clandestinité, les engagés doivent prendre des noms de guerre. Ceux qui y rentraient devaient déchirer leurs papiers et prendre un nouveau nom (et donc faire oublier le vrai). Seuls ceux qui se connaissaient antérieurement savaient la vraie identité des uns ou des autres.

                        Les maquis FTP n’étaient pas des groupes isolés, sans réseaux. Des points d’appui aidaient à la logistique. Citons une base arrière importante pour le groupe FTP ayant eu leur action dans le carré Pamiers- Mirepoix- Lavelanet- Saint Paul: le domaine de Bonrepaux, prés de la Tour du Crieu. La ferme – dont les métayers étaient les AMARDEILH (dont certains membres seront à Roquefixade) – servaient de boites à lettres, les ordres y transitaient, une partie de l’élaboration des premiers exemplaires du « Patriote Ariégeois » y fut fabriqué (sans oublier la ferme Lafitte). Elle servit de « planque » autant aux réfractaires du STO que pour cacher certains butins pris à l’opposant: par ex., le tabac pris à Pamiers a été mis dans la grange sous la paille, les chaussures dans la cuve où ils faisaient fermenter le vin…

                        Des militants ont servi de boite à lettres, de refuges, de lieu de rencontres, d’agents de liaisons…. Citons quelques noms parmi d’innombrables: Anna CERNY, Madeleine PUJOL (soeur d’Emile DARAUD), à Pamiers; Rémy MAURY à Vira; Marie PUJIELA à Croquié, Noël SICRE à Saint-Paul, Me PRAT à Bélesta, Mmes MIROUZE et DELQUIE, à Ventenac… Sans compter tous ceux qui ont aidé au ravitaillement (agriculteurs ou pas)… et qui se sont cotisés pour financer les opérations en cours…

 

 

 

                        Qui sont les membres du maquis FTP de Roquefixade?

 

 

 

1) Le commandement:

                        Est issu du P.C. C’est pourquoi l’on y retrouve des personnes engagées politiquement. CALVETTI, par ex., (responsable des maquis de l’Ariège), parti sur le front nord est fait prisonnier et s’évade. Il reconstitue la section communiste et les Jeunesses communistes de Séte. Interné dans plusieurs camps, puis libéré, il devient responsable de plusieurs maquis (Savoie, Bédarieux, Tarn, Aveyron, P.O., Haute Garonne) avant d’être envoyé en Ariège (avril 44).

                        Jean SANNAC (chef de la 3101 après les combats de Roquefixade) est de Pamiers. Membre des Jeunesses communistes, membre de l’organisation spéciale du P.C., menacé d’arrestation, il rejoint les FTP de Toulouse. Puis de retour à Pamiers, il mène des activités de résistance avec les cellules communistes (sabotages, tracts…) et cela en étroite collaboration avec l’ancien maire de Pamiers, et les instances régionales. Il est à noter que Jean SANNAC est un des rares ariégeois à occuper des responsabilités de premier plan dans les FTP (la grande majorité des chefs militaires sont « étrangers » au département).

                        Benito PEREZ, alias « Michel OSCAR »,  « Oscar FONTAINE » ou « Michel BATAILLE », est  né le 3/2/1924 à Cenon (Gironde). Il est au maquis FTP du Lot et Garonne jusqu’au 24 /2 /44. La direction régionale des FTP l’envoie, fin février, en Ariège. Arrivé à Pamiers, il a pour mission d’aller à Antras-Croquié pour essayer de former un groupe de combat avec une dizaine d’hommes qui y vivaient (« DANIEL », François ANDREU …). CAVETTI le rejoint.

                        Le commandement n’est pas livré à lui-même: les relais politiques et stratégiques se font avec la direction régionale du P.C, puis avec le commandement FFI dont le délégué départemental est Camille SOUYRIS dit « AUBERT ». Tout en ayant une certaine autonomie, la stratégie s’inscrit dans un vaste mouvement en vue de la Libération.

 

2) Les militants communistes:

                        Déjà engagés dans l’action locale, comme par ex. à Pamiers, ils rejoignent le maquis essentiellement à partir du 6 juin pour prêter main forte à l’action  programmée: celle de maintenir et de harceler les forces ennemies. Ils déserteront, alors, leur lieu de travail pour la clandestinité. Par ex. Milou BUSTAMENTE, Sébastien MARIN, Aimé PAGES… ou encore Paul BALASC, de Croquié-Mercus qui sera tué à Vira.

 

3) Les réfractaires au STO:

                        Recherchés, ils sont confiés ou réfugiés au maquis où ils peuvent se cacher, toutes tendances politiques confondues… C’est le cas par ex. de François ANDREU, César TOMASINI, Daniel PUJUILA, Gilbert ALLEGRE, De BON Michel… D’autre part, le bruit à Pamiers ayant couru que les ouvriers de l’usine seraient envoyés en Allemagne décide quelques uns à rejoindre le maquis…

 

4) Des personnes recherchées:

                        Réfractaires au STO, évidemment, mais aussi pour bien d’autres raisons: par ex.ceux qui viennent du nord de la France. Citons Marcel BLUM (sous officier dans la DCA venant de Paris), Emile DUSSART (de Caen)…

 

 

 

5) Des engagés contre l’occupant:

                        sans motivations politiques partisanes, mais pour se « battre ». Ce sera le cas, par ex., de deux gendarmes: Gustave MEYER dit « VALMY », venu de Bélesta et de CAURET dit « ARMOR », de Pamiers. Certains jeunes rejoignent, aussi, le maquis pour « prouver » qu’ils sont des hommes d’action. Car les FTP sont à l’été 44 les seuls groupes armés agissant concrètement sur le terrain.

 

                        Ce sont ces personnes venues d’horizons divers (ariégeois, nordistes, de Bordeaux, du Roussillon…) qui sont les maîtres d’oeuvre, pour l’essentiel, de la libération de l’Ariège avec les guérilleros espagnols. Si le mouvement est issu du P.C. (ce qui explique son manque d’équipement en armes et en logistique dû à la méfiance envers ce parti), l’on ne peut donc pas dire que les FTP étaient tous des communistes…   

                        Cependant, il fallut, en peu de temps, – du 6 Juin au 6 Juillet- organiser l’ensemble humain (ce qui implique une certaine discipline) et en même temps exécuter la mission assignée (harceler et maintenir en place les forces d’occupation). C’est pourquoi, CALVETTI, chef des maquis de l’Ariège, au caractère bien trempé, répétait souvent:  » vous êtes venus, ce n’est pas moi qui suis aller vous chercher. Alors: exécution!… » Des décisions capitales devaient être, parfois, prises sans faire de détails ou de misérabilisme. 

 

Comment sont-ils rentrés au maquis ? Plusieurs cas de figure ; citons à titre d’exemple:

                        Milou BUSTAMENTE de Pamiers avait un frère plus âgé: François (qui sera tué à Roquefixade). Ce dernier, dés l’été 43, se retrouvait avec d’autres du groupe de résistance de Pamiers qui était organisé… Des actions se faisaient. En Octobre 43, il se décide à lui poser des questions. C’est ainsi qu’avec son voisin, BELLECOSTE, il les rejoint .Il est alors apprenti mécano. Il part avec le groupe de sabotage de Pamiers (qui comprend François BUSTAMENTE, Roger RAUZY, Siméon SARDA) pour Vira, au Moulin d’Engraviés, chez Aimé GOS, le 8 juin, veille de la bataille sanglante entre FTP et  Allemands.

                        De même, Sébastien MARIN, qui travaille à l’usine de Pamiers, demande de rentrer dans le groupe qui avait saboté une voie ferrée, dans lequel se trouvaient CHEVALIER, Siméon SARDA, RAUZY (tué à Roquefixade).

                        Idem, René CASTEL, de Larroque d’Olmes, rejoint Vira avec deux autres.

                        François BUSTAMENTE (chef de groupe tué à Roquefixade) travaille à l’usine de Pamiers. Il conduisit le groupe FTP et les guérilleros pour saboter l’usine qui travaillait pour les allemands, tandis que d’autres ouvriers surveillaient les entrées…

                        César TOMASONI travaillait sur la commune de Freychenet, prés du Bénal, (au Peyret) pour faire du bois gazogène. Réfractaire au STO, il rejoint le maquis de Roquefixade la veille de l’attaque. Il s’occupera ensuite du ravitaillement avant de participer à la bataille de Prayols et Rimont.

                        Bernard GARCIA, originaire de Pamiers, travaillait comme mitron à la boulangerie DELRIEU de Saint-Paul. Il sera tué à Roquefixade…

                        Daniel PUJUILA, qui devient l’adjoint de CALVETTI, est envoyé en Allemagne. Profitant d’une permission, il redescend dans le sud. Il part à Croquié, chez sa tante, Marie PUJIELA, en compagnie de François ANDREU, qui est, aussi, recherché. Ils doivent passer en Espagne. L’opération est annulée, car les passeurs sont arrêtés. Albert CANAL de Croquié, en lien avec Philippe et Georges AMIEL, ainsi que Roger BUILES (tous militants de Mercus) leur donne les premières armes… Ils restent et s’engagent sur le terrain (sabotage de l’usine de Mercus, de la voie ferrée…)

                        Gilbert ALLEGRE doit partir au STO. Il en parle à son oncle, BARRE de Celles (autre fief communiste, à l’époque) qui l’introduit dans le groupe de Croquié. (Il sera blessé au Pont du Prince, à Bélesta).

                        Bref, si, à la base, les FTP sont issus du militantisme communiste, donc, engagé, ils se sont étoffés en recueillant autant les réfractaires au STO que des volontaires patriotes.

 

 

 

 

                                               Le quotidien des FTP

 

 

                        Les maquis sont, par essence, relativement clandestins. Leur vécu quotidien doit répondre à plusieurs exigences.

 

1) Leur ravitaillement

                        . Celui-ci se fait à partir de personnes concernées par cette mouvance: à Mercus, Philippe AMIEL, Albert CANAL, Roger BUILES, par ex. tout à fait au départ…;par des agriculteurs contactés; par les maquisards eux-mêmes, moyennant finances d’une caisse commune ou par bons de réquisitions dérobés ou qui vont « se servir » directement chez l’opposant, soit par des opérations dans des structures bien établies (école des chantiers de jeunesse, dépôts de tabac…), soit en interceptant les agents qui font les réquisitions ou les « affameurs » (marché noir), soit encore en dérobant les « bons » de ravitaillement qu’ils échangent ensuite (souvent avec la complicité des buralistes ou des secrétaires de mairie). La « complicité » peut, aussi, se faire sous la menace…

Lorsque l’on est en patrouille, l’on connaît toujours quelques adresses, au cas où…

C’est donc un réseau complexe qui assure la survie des maquis.

 

2) Leur armement.

                         Le réseau du P.C. clandestin ne put fournir que peu d’armes, qui plus est sans grande efficacité… Il fallut s’en procurer: c’est ainsi que des gendarmeries furent délestées de leurs mousquetons, revolvers et munitions. Parfois, l’on faisait un « coup » pour faire vider les casernes de leurs occupants afin de mieux les investir… ou bien l’on désarmait les forces de police lors d’un barrage.

                        Il y eut même – à l’approche du débarquement – un parachutage détourné par les guérilleros et les FTP, prés de RIEUCROS. Il fallut, par la suite, une rencontre avec « RICHARD » (Abel ROUS) de Verniolle (représentant de DE GAULLE en Ariège, en lien avec Londres) pour que des ravitaillements en armes puissent se faire, à l’approche de la Libération.

                        L’on a même échangé des armes contre des vivres avec un maquis de l’AS. Quant aux explosifs, il était relativement facile de s’en procurer par l’intermédiaire des guérilleros travaillant dans les mines. C’est le cas de celle de Péreille, par exemple, dont le directeur (Victor MOURAREAU, 53 ans) était le maire de la commune. Il sera, d’ailleurs, révoqué par le gouvernement de Vichy le 21 Mars 44 pour « avoir commis de graves irrégularités dans l’exercice de ses fonctions ». Le 19 Juin, il sera inculpé de « fabrication et usage de fausses pièces d’identité, de délivrance et obtention de cartes d’alimentation ». Il sera, enfin, remis en fonction le 12 septembre 44.

 

3) La surveillance.

Les mouvements (convois, déplacements…) des opposants faisaient l’objet d’attentions. Un réseau de « services des renseignements » interne était en place, au maquis lui-même, mais surtout au sein de la population (avec les risques de délations infondées et des règlements de comptes personnels). Mais aussi des patrouilles sillonnaient, en général à pied – le carré Pamiers-Mirepoix-Lavelanet-Saint Paul-Foix.

 

4) Des actions programmées ou spontanées.

Les premières se faisaient au niveau de l’Etat Major, en lien avec la région : d’où des rendez-vous clandestins (à Pamiers ou à Toulouse). Parfois, les chefs guérilleros y participaient. Des agents de liaison (appelées « estafettes ») portaient des messages d’un lieu à l’autre (et cela jusque dans le Saint Gironnais où un groupe FTP existe autour de René PLAISANT). Des réunions d’Etat Major ont lieu toutes les semaines où toutes les questions concernant la Cie sont discutées.

                        Des missions étaient assignées soit à un groupe soit à un détachement…Des actions spontanées (donc pas prévues) pouvaient se réaliser, sous la responsabilité de leur(s) chef(s). C’est l’exemple de l’attaque d’une voiture allemande entre Garrabet et « La charmille » (Saint-Paul).

                        Cependant, il faut noter 2 phases dans les actions. La première se situe avant l’installation au Merviel-Vira. Elle est faite de sabotages, d’actions menées par petits groupes (comme celui de Croquié ou celui des « légaux » de Pamiers). La seconde, à partir du 1er Juin, qui montera en puissance. Elle est du fait de 3 facteurs:

                        – l’effet du débarquement

                        – l’afflux de volontaires et la mobilisation avec une nouvelle organisation

                        – les actions menées en commun: FTP et guérilleros.

 

                        Durant un mois (du 6 juin au 6 juillet), la région de Pamiers, Mirepoix, Lavelanet, Saint-Paul va connaître une période d’actions de guérilla, organisées par les FTP, mais aussi par les guérilleros espagnols (attentats sur les personnes et les biens, sabotages…) et donc d’insécurité qui va exaspérer allemands et miliciens. Pour tenter d’y mettre fin, une vaste opération sera programmée: ce sera l’attaque du maquis, à Roquefixade.

 

 

 

 

 

Exemple du vécu d’une patrouille FTP entre le 22 Juin et le 25 juin 44 (1er détachement)

 

 

                        Nous sommes à une dizaine de jours après les combats de Vira (9 juin) et de son prolongement le 11 juin. Après ce coup dur – alors que de nombreux jeunes venaient à peine de le rejoindre- le maquis se regroupe vers Pradettes (prés de Larroque d’Olmes) avant de rejoindre le Pla du Pastouret (prés du hameau de Seigneurix).

                        Le 2éme détachement avait attaqué la coopérative des usines Ricalens où des vivres et du matériel d’habillement, destiné à l’occupant, ont été récupérés le 20 juin.

                        Le 21 juin, le 3éme détachement attaquait l’école d’enfants de troupe d’Audinac avec un détachement de la MOI. Du matériel et des chaussures sont récupérés ainsi qu’une camionnette Citroën de 1500 Kg (gazogène). Le même jour, un allemand est abattu à Lavelanet, alors que le 2éme détachement attaquait le Secours National; et 2 « traîtres » de Mirepoix sont exécutés…

 

                        Le 22: Le 1er détachement, avec « André FAURE » (Daniel PUJIELA), commandant adjoint de la Cie, et le commandant du détachement « ARMOR » (gendarme CAURET), part de Pastouret à 12 H faire des patrouilles sur des itinéraires prévus.

                        A 15 H, il prend position au Pas del Teil (route de Foix- l’Herm- Rappy- Lavelanet). Le chemin se fait à pied par le Col de Py. Il y reste jusqu’à 22 H sans rien voir.

 

                        Le 23: Le détachement part à 4 H rejoindre la 117 entre Saint-Paul et Nalzen, en passant par Charillon. Il y arrive (entre Celles et Labaure) à 9 H. A 10 H, la voiture du service postal est interceptée. Ce genre d’opération a été pratiqué à plusieurs reprises. C’est ainsi, par ex., que du côté de Rieucros, l’on récupéra une lettre du maire de Mirepoix demandant à PETAIN d’agir avec fermeté contre les « terroristes » du secteur. Les patrouilles prirent fin vers 22H.

                        Au passage de Celles, alors qu’ils se rendaient au Roc de Carol (Saint-Paul), le détachement encercle la maison d’un jeune monté au maquis et qui avait déserté, après les combats de Vira, avec les armes (qu’ils récupérent). Arrivée au Roc de Carol à 1 H du matin, où ils passent la nuit.

 

                        Le 24: Un groupe, sous la direction du commandant adjoint de la Cie (Daniel PUJIELA), se rend à la ferme de Rouy (entre Mercus et Saint-Paul) et exécute le fermier qui avait dénoncé un groupe de réfractaires et d’autres personnes du secteur (exécution à 10 H).

                        A 13 H, ils quittent le Roc de Carol et rejoignent la N2O, par le Titou, à la hauteur du tunnel de Saint-Paul- « La Charmille », vers 14 H 30. L’on surveille la route quand une voiture allemande passe dans le sens Mercus-Foix, puis revient un moment après. Le 1er et le 3éme groupes ouvrent le feu. La voiture s’immobilise: un officier allemand est tué, un autre est blessé. Une femme, montée à bord, est blessée à la cuisse. Le 2éme groupe arrête la circulation. L’on récupère l’arme et le pistolet de l’allemand tué (plus ses bottes!), ainsi que 2 serviettes contenant de nombreux documents (dont certains prévoient un plan de repli): il s’agissait d’une voiture de l’opération Todt. Une grenade est envoyée dans le véhicule.

                        Les maquisards se replient sur les flancs de la colline Saint-Antoine. Une demie heure après, plusieurs camions d’allemands et de miliciens arrivent sur les lieux. Le décrochage se fait jusqu’à la ferme de Charillon, où le détachement a passé la nuit.

 

                        Le 25, le détachement, parti à 13 H, arrive au camp (le Pasrouret) à 18 H. Un conseil de guerre les attend pour juger le jeune de Celles (de retour à la Cie), car, au motif de désertion, s’étaient ajoutés plusieurs vols armés dans les fermes voisines de Saint-Paul soit disant au nom des FTP (lesquels s’expliquent au moyen de tracts dans les communes concernées afin de se disculper):il sera exécuté à 21 H.

 

 

                        Cet exemple montre que les patrouilles se faisaient relativement loin du cantonnement et cela à travers bois et champs. Que des lieux devaient être prévus pour héberger environ 25 personnes (un détachement), qu’une logistique de ravitaillement devait suivre pour nourrir les 3 groupes; qu’un réseau d’informateurs devait exister. Enfin, que 4 actions de guerre sont ici menées: patrouilles en reconnaissance et surveillance, élimination de ce qui pouvait nuire à l’image que voulaient se donner les FTP, représailles définitives pour les dénonciateurs (d’autant plus qu’ici, il s’agit du secteur emblématique de Croquié, où certains ont des attaches); enfin une action militaire contre une voiture allemande.

 

 

 

 Quelques faits et actions dans les environs de Roquefixade: mois de juin

 

 

                        Les combats de Roquefixade sont une opération d’anéantissement du maquis qui venait de s’y installer après plusieurs événements ayant mis à mal autant les forces allemandes que la milice.

                        Dés l’année 43, des actions sont menées dans tous les environs. Signalons-en quelques unes.

           

                        Non loin de là, le 18 septembre 43, des membres du maquis d’Ilhat d’en Bas comprenant Achille BOCHETTO, Alexis AUDEON, Georges TABAR, Henri LAGARDE… tentent de prendre les armes d’un fort allemand installé à Péreille d’en Haut. L’opération échoue et fait 2 tués (BOCHETTO et AUDEON) , plus un blessé du côté des maquisards et de 2 tués, 2 blessés, selon G. TABAR, côté allemand. En représailles, quelques jours après, les allemands et la milice attaquent le refuge de la « Caougne », prés de Montségur: 7 prisonniers.

 

                        Le 24 Septembre, Frédéric CORDOLA, dit « LAGARDE » (44 ans, né à Suze, prés de Turin), du groupe de Montgailhard dynamite un pylône H.T. qui tombe sur la route au pont des Escoumes (limite de Saint-Paul et Montgailhard); un autre qui devait tomber sur la voie ferrée est endommagé. Pour l’anecdote, le matériel de dynamitage était caché à l’intérieur de ruches et fourni par BUILLES de Mercus et RAYNAUD de Saint Paul. Le pylône couché sur la route fut découpé au chalumeau par CORDOLA lui-même, réquisitionné pour cela, et sous bonne garde allemande.  D’autres dynamitages de pylônes se feront, comme à « Carole », entre Antras et Croquié (commune de Saint-Paul), dans la nuit du 27 au 28 novembre 43. CORDOLA avait déjà endommagé deux pylônes sur les cimes de Rieucourtés, entre Foix et Montgailhard.

 

                        Le 5 octobre 43, un espagnol (Antonio AIBAR PUERTO de Nantes) qui voulait faire des passages clandestins à son compte est exécuté par un « commando » à Saint-Paul (Cabanut); son compagnon, Luis VIDAL dit « EL PEQUE »  est blessé. Ce dernier dénonce le groupe d’espagnols travaillant à Laurens (commune de Freychenet). C’est ainsi que le 7 octobre, Félipe ESPINO, Antonio GARCIA SANTOS, Féliciano POZO, CRUZ Franco, Adolpho ARGUDO et Alberto MAGDALENA sont arrêtés.

 

                        Le 2 février 44: sabotage ferroviaire  manqué à Saint-Paul: les personnes réquisitionnées pour garder la voie ferrée étant arrivée trop tôt.

                        27 février: Philippe AMIEL de Mercus échappe à la Gestapo venue l’arrêter: il part pour Marmande.

                        28 février: le maquis de Croquié fait dérailler, à Saint-Paul, un train d’alumine destiné à l’Allemagne.

                        Le 14 avril, anniversaire de la proclamation de la République Espagnole, une action de guérilleros venant d’Aygues Juntes, au Pont du Diable (Saint-Paul), fait 2 morts allemands et un blessé. L’action aurait été programmée: les guérilleros ayant organisé une fête à Saint-Paul, en y invitant les gendarmes…pendant qu’ils faisaient le coup…

 

                        Avec l’arrivée de CALVETTI, le 8 avril, une succession d’opérations visera à créer un climat d’insécurité pour l’occupant et la milice. Croquié devient le siège de l’Etat Major des maquis FTP de l’Ariège.

                        Le 15 avril, à Mercus, les pompes de refroidissement de l’usine Peychiney sont dynamitées et rendent l’usine inopérable.

                        Le 27 avril, arrestation à Saint-Paul de Jean DUBIE, Robert ELOUARD, Antonio GARCIA SANTOS, Félipe ESPINO, José DURO: ils seront déportés.

                        Le 17 Mai : télescopage d’un train dans le tunnel de Saint-Paul. Ce sabotage mérite d’être raconté, selon le récit d’André LAGUERRE dit « DEDE LA FRAISE » et confirmé ou précisé par Daniel PUJIELA dit « DANIEL » ou « ANDRE FAURE »  et Benito PEREZ dit « OSCAR ».

                        La ligne de chemin de fer Puigcerda-Ax-Foix-Toulouse était importante pour les allemands: les matériaux (alumine, talc…) devaient alimenter les usines travaillant pour le Reich. Plusieurs sabotages avaient été opérés. Une garde de la voie ferrée était organisée par les habitants réquisitionnés dans les communes voisines (une personne tous les 200 mètres environ).

                        Le maquis de Croquié, avant son départ pour le Merviel, comportait des cheminots (par ex. François ANDREU  ou Roger BUILLES, leur agent de liaison). Leurs liens avec des personnes engagées à proximité (Jacques CAVERIBERES et Auguste RAYNAUD) permirent de réaliser un des faits de résistance qui reste dans la mémoire de l’Ariège.

Le groupe: « OSCAR » (Bénito PEREZ), « DANIEL » ou « ANDRE FAURE » (Daniel PUJUILA), François ANDREU, « ROBINO » ou « ROBERT DUVAL » (Emile DUSSART), André LAGUERRE dit « DEDE LA FRAISE » et Roger BUILLES descendent en gare de Saint-Paul.

Les hommes sont placés à la sortie du tunnel de « La Charmille ».

                        A 6h 40, le train 7629 arrive de Foix et s’arrête à Saint-Paul, comme prévu. Deux maquisards montent à bord : le conducteur, EYCHENE, le chef de train, SEILLE et le mécanicien LAURENS sont présents. Le train est emmené sous le tunnel. « OSCAR »  et le mécanicien, à la lueur d’une lanterne,  bloquent le train avec le « serre-queue » et séparent le train en deux.

                        Le fond du train, avec plusieurs wagons est donc immobilisé. La locomotive et deux wagons sont emmenés plus loin, vers Garrabet, soit un à deux kilomètres de là. Ils font descendre les mécaniciens qu’ils laissent sur le bord de la route. La marche arrière de la locomotive est actionnée. Le mini train prend de la vitesse et va percuter, à fond, la rame laissée dans le tunnel, alors que « OSCAR » et « DANIEL » ont sauté à terre.

                        La ligne de chemin de fer devient inutilisable. A l’intérieur du tunnel, il n’est qu’amoncellement de wagons et de débris : les rails sont tordus, 20 tonnes, environ, de matériaux perdus et 8 wagons inutilisables. Il fallut plusieurs jours pour rétablir la voie. Les allemands et la Milice durent réquisitionner les jeunes de Saint-Paul, Celles, Montgailhard pour y arriver. C’est ainsi, sans une bombe, que des usines n’ont pu travailler faute de minerai…

 Après quoi, les maquisards remontèrent à Croquié qu’ils quittèrent pour la grange du Falcou (au dessus d’Antras). Les allemands ne tardèrent pas à tenter de les prendre. Des GMR montent par Antras mais rebroussent chemin. Enfin, deux miliciens montent au Falcou et incendient les deux granges de Leontine MOREREAU et de Françoise MAURY, que les maquisards viennent de déserter en remontant plus haut, à Fonfréde, après y avoir passé quelques jours.                    

                        Le 24 mai, un maquisard (Benito PEREZ, alias »OSCAR ») se rend à Vira à vélo. Au croisement des Fourches, à Saint-Paul, il tire sur le président de la délégation spéciale de la commune et sa femme. Tous les deux sont blessés et quittent le département (six balles de revolvers sont tirées: quatre atteignent les cibles, dont une à la tête).

 

                        Le maquis de Croquié part alors, à Couderc, prés du Merviel et rejoint le groupe de Vira d’Aimé GOS, à côté de l’état-major des guérilleros espagnols. Il est alors composé de: CALVETTI, « OSCAR », François ANDREU, Daniel PUJUILA, André LAGUERRE, « ROBINO », Raoul BONNAFOUS et de Paul BALASC.

 

                        Le 27 Mai, détournement d’un parachutage d’armes, à Rieucros (qui comprend, notamment, une mitrailleuse).

                        Le débarquement des forces alliées est annoncé. Mission est donnée, par Londres et Alger, de maintenir sur place l’occupant: des actions de guérilla vont se multiplier.

Camille SOUYRIS (« AUBERT ») est chargé par la direction régionale de la résistance de créer, en Ariège, les F.F.I. qui regroupent tous les groupes armés de la résistance (A.S., ORA, FTP…).

 

                        3 Juin: les maquisards de Vira- Le Merviel (dont le noyau est issu du maquis de Croquié) et les guérilleros du Calzan vont à Pamiers et investissent les locaux des Chantiers de Jeunesses: des uniformes sont pris et serviront à équiper les hommes.

                       

                        4 juin: Les mêmes, dans la nuit du 4 au 5, avec la complicité d’ouvriers (du groupe légal de Pamiers), sabotent à la dynamite, le four Martin (de 250 tonnes) et le grand laminoir de l’usine métallurgique de Pamiers qui travaille pour l’Allemagne (bien que peu de bombes -les « saucissons »- préparées par les « légaux » de Pamiers explosent). La préparation de l’opération a été faite par le CE, Marcel FRECHOU, CALVETTI, « Abel » LACOSTE et deux responsables des guérilleros dont « ROBERTO ».

 

                        Le 6 Juin: L’état major FTP s’installe au Moulin d’Aimé GOS, à Embayourt, prés d’Engraviés. CALVETTI,  par les réseaux des légaux, mobilise les jeunes volontaires: une cinquantaine d’entre eux arrivent ce jour-là quant leurs responsables leur disent : «  C’est le moment d’y aller… ». Ils quittent, alors, leurs usines ou leur emploi, sans être dénoncés…

                        L’ordre de la mission assignée aux maquis par Alger et  Londres est de maintenir sur place les forces allemandes (et celles de la Milice qui pourrait la suivre). Concrètement, il s’agira d’ harceler les opposants en multipliant les attentats et les sabotages pour mobiliser le maximum de forces hitlériennes ou vichyssoises sur le terrain.

                        La Cie FTP est créée en regroupant divers maquis. La réorganisation générale attribue  un N° à une Cie reconnue par le CNR (Centre National de la Résistance). Cependant, cela prendra du temps. Les maquis organisés autour de CALVETTI sont toujours la 1ére Cie de l’Ariège…Ce n’est qu’à partir de fin juillet que le N° d’ordre est donné. Jusque là, par ex. , le maquis de Saint Girons n’est qu’ une section de la 1ére Cie.

 

                        Le 7 Juin: Une centaine de volontaires, issus, essentiellement, des groupes « légaux » se présentent pour être engagés. L’on est obligé de trier et de renvoyer chez eux la plupart d’entre eux, car l’on ne dispose que de peu d’armes et de munitions. Les trois détachements FTP organisés sont ventilés autour d’Engraviés: à Vira, à Dun et au Calzan. L’état-major reste au moulin d’EMBAYOURT, chez Aimé GOS.

                        Le soir, FTP et Guérilleros sabotent les extrémités (pylônes) de la voie ferrée de la gare de Varilhes où se trouve un train destiné aux allemands (six charges de dynamites sont placées entre Varilhes et Crampagna : circulation interrompue, coupure de la ligne à haute tension).

           

                        Le 8 juin: Sur des renseignements qui s’avèrent erronés, les FTP attaquent la Caserne Sarrut de Pamiers en vue de récupérer des armes: 3 camions de jeunes participent à l’opération. Un milicien de Saint-Amadou est fait prisonnier à la hauteur des Issards. Il sera enfermé à Dun, mais s’évade dans la nuit et prévient les autorités.

 

                        Le 9 juin: Récupération d’armes dans les gendarmeries de Rieucros et de Mirepoix. Recherche du milicien évadé infructueuse. Il est décidé de déménager le maquis dans l’après-midi. Il n’en eut pas le temps.

Une forte colonne allemande, venue de Toulouse, renforcée par la Milice, arrive à Vira: ce furent les premiers combats de la nouvelle structure FTP, heureusement renforcée par les guérilleros. 3 FTP sont tués: Raoul BONNAFOUS et Paul BALLASC de Mercus (20 ans, blessé, fait prisonnier et achevé par les allemands à Vira : ses obsèques auront lieu le dimanche 26 Novembre à Mercus), plus Fernand ROUBICHOU, partisan légal d’Arvigna. Un quatrième, J.J. NEUVILLE, est blessé, fait prisonnier et enfermé à la prison Saint Michel de Toulouse: on ne le reverra plus. 3 blessés sans gravité sont aussi à déplorer. 2 civils sont tués lors des combats, alors qu’ils étaient dans leur champ: Mimi AUTHIER et Joseph RUJAS. Le soir, des maquisards, pensant avoir affaire à une voiture de la Gestapo tirent: c’était la voiture du docteur ROQUEJOFFRE. 2 civils sont tués: le chauffeur GOUDONVILLE et l’instituteur en retraite d’Arvigna: RESCANIERES. Selon des sources, les allemands auraient eu à déplorer environ 36 morts et 84 blessés. Les combats durèrent 6 heures. Confrontés aux réalités des combats, 20 %  des recrues désertent… Les volontaires FTP sont éparpillés et cachés en différents points de la zone (essentiellement vers Larroque d’Olmes).

 

                        Le dimanche 11 juin: vers 7 H du matin, les allemands reviennent en force à Vira: 25 camions, 7 automitrailleuses. Ils dynamitent le moulin d’André GOS et incendient les deux fermes situées au dessus de celui-ci (à Embayourt).

 

                        Le 13 juin: descente des allemands au Merviel: Cyprien ROUCH est tué. Mme GIRET, femme du responsable des parachutages qui a dû fuir Rieucros, est arrêtée.

 

                        Le 14 juin: vers midi, un détachement de guérilleros cerne la caserne de Pamiers et emportent sous la menace des armes, des habits et 212 000 F.

 

                        Le 20 Juin, le 2éme détachement attaque la coopérative des usines Ricalens à Larroque d’Olmes. Des vivres et du matériel d’habillement sont récupérés (ainsi qu’une machine à écrire!).

 

                        Le 21 juin: Le 3éme détachement attaque l’école d’enfants de troupes d’Audinac avec un détachement de guérilleros. Du matériel d’habillement et des chaussures sont récupérés, ainsi qu’une camionnette Citroën de 1500 KG gazogène.

                        Le 2 éme détachement attaque le Secours National de Lavelanet, mais sans résultat. Cependant, un allemand est abattu. Dans l’après-midi, FTP et guérilleros exécutent 2 « traîtres » de Mirepoix.

 

                        Le 23 juin: le 2 éme détachement attaque le dépôt départemental de tabac de l’Ariège situé à Pamiers: 1200 KG de tabac, soit 40 000 paquets, sont récupérés.

 

                        Le 24 juin: le 1er détachement, au cours d’une patrouille, exécute, sur ordre de CALVETTI, un agriculteur prés de Saint-Paul qui avait dénoncé l’occupation clandestine d’une grange prés d’Antras et l’existence de réfractaires au STO.

                        En fin d’après midi, ce même détachement attaque une voiture allemande à la sortie du tunnel de Saint-Paul: un officier est tué, un autre blessé. Une femme qui était à bord  est également blessée à la cuisse. La voiture est détruite à la grenade, des documents sont récupérés: c’était une voiture de l’agence Todt.

 

                        Le 25 juin: une distribution de tabac est faite à Ventenac, Le Merviel, Dun, Vira et Calzan.

                        Un jeune de Celles qui avait déserté avec armes et bagages lors des combats de Vira, revenu au maquis la veille, avoue avoir, de plus, agressé 3 fermes prés de Saint-Paul (à Le Sourt, Le Cor et Caraybat) au nom du maquis et avoir soutiré de l’argent. Il est décidé de l’exécuter: c’est fait à 21 H. L’argent est rendu aux fermiers et des tracs distribués pour disculper le maquis.

 

                        Le 26 juin: Une patrouille de FTP, conduite par « OSCAR », enlève 2 frères miliciens de Mirepoix. Ceux-ci, après avoir donné une liste de noms d’habitants de Mirepoix, Foix, Pamiers, Toulouse… sont exécutés après avoir creusé leurs tombes.

                        Un détachement de la 3.ème Brigade de guérilleros est attaquée à Arvigna par la Milice et les allemands : 2 civils sont fusillés.

 

 

                        Le 27 juin: à la demande de CALVETTI, une messe est dite à 10H, à la mémoire des morts des combats de Vira.

 

                        Le 28 juin: Le courrier postal de Mirepoix est contrôlé: 105 000F sont récupérés, ainsi qu’une lettre du maire de Mirepoix qui demande à PETAIN de rendre le secteur plus sûr et d’anéantir les maquisards.

                        Le chauffeur d’un camion qui faisait les réquisitions pour Vichy est intercepté et délesté de son chargement: 500 litres de vin. La voiture du curé de Verniole est réquisitionnée ainsi qu’une bicyclette.

                        Une opération contre des « agents de la Gestapo » échoue…

 

                        Le 29 juin: A l’aube, des camions de miliciens et d’allemands investissent la commune d’Arvigna, où un maquis espagnol y réside, aidé par la population, en liaison avec le maquis FTP voisin. A la ferme Marty, le père et le fils NAUDY, ainsi que leur domestique, François SOLER sont fusillés et brûlés dans leur maison. A Arvigna, ARAGNI, mari de l’institutrice, est arrêté et enfermé à la prison Saint-Michel, à Toulouse, jusqu’au 19 août. Il y a pillage et incendies de maisons et de granges.

 

                        La compagnie décide, alors, de s’installer hors de cette zone qui devient de plus en plus la cible des allemands et de la Milice. Manuel SERRA (« GODEFROY ») est chargé par André LACOSTE dit « ABEL » d’organiser le repli sur un autre point de chute: ce sera tout prés de Roquefixade, à proximité du village de Coulzonne, dans les granges du Grézat 


 

 

 

                            Les combats de Roquefixade

 

                                   En moins d’un mois, le secteur de Vira- Le Merviel, où se trouvent les maquis des FTP et des guérilleros espagnols, est devenu en Ariège la zone où est concentré le danger le plus important pour l’administration en place et où se trouvent – selon l’expression employée alors par les médias – les « Terroristes ».

                                   Les actions se sont multipliées contre l’économie de l’opposant, contre l’administration, contre les relais du pouvoir politique et policier en place…

                                   L’attaque de Vira, le  9 juin, alors que les FTP reçoivent des renforts conséquents après le débarquement, s’avère pour l’occupant allemand  et les forces collaboratrices un échec: il y eut des morts de part et d’autres, mais cela n’anéantit pas le mouvement engagé par les guérilleros et les FTP dans ce secteur.

                                   L’opération contre les guérilleros espagnols dans le même secteur a touché plus les civils que les cibles visées… (Arvigna, Lenguit…, le 29 Juin).

                                   La milice de Mirepoix, en particulier, se sent en alerte car ses membres sont harcelés. Les appels à l’intendant MARTY, chef régional de la police, se font pressants.

                                   Il est donc décidé de se replier vers l’axe de la 117 (Foix- Saint Paul- Lavelanet). Des groupes de travailleurs espagnols se trouvent non loin (Freychenet, Nalzen, Celles, Saint-Paul, Monferrier, Monségur…). De plus, sur Lavelanet, un groupe autour de BURG, THOUVENIN, est largement engagé dans la lutte clandestine. Plus loin, après Bélesta, se trouve un autre groupe résistant et armé dépendant de l’AS (Picaussel). Des relais à travers le P.C. sont disséminés non loin (Celles, Saint-Paul, Mercus, Lavelanet, Larroque…).

                                   L’axe de la 117 est la principale route entre Foix- Lavelanet avec son prolongement sur Perpignan; et non loin de la « zone interdite » (c’est à dire après Saint-Paul). La zone est encore pré-Pyrénéene, c’est à dire avant la barrière de haute montagne, alternant prairies et bois. De plus, il est important de ne pas s’isoler afin de garder, à proximité, les contacts politiques et militaires avec les états-majors régionaux. Enfin, il faut que le cantonnement soit opérationnel, c’est à dire non loin des cités stratégiques et en conformité avec la tache assignée aux maquis de la région : celle de harceler l’occupant afin de le maintenir sur place.

 

 

 

 

                                   LE MAQUIS A ROQUEFIXADE

 

 

 

30 Juin:

                        Le matin, à Coulzonne (hameau de Roquefixade), arrivent en repérage 3 personnes , dont  « GODEFROY » (Manuel Serra) et l’instituteur de Rieucros, Gaston RIVIERE dit « VINCENT » (qui, recherché, a fui sa commune pour rejoindre le maquis). Il s’agit de trouver une position  de repli: la région de Vira- Le Merviel est devenue peu sûre (la veille, le 29, une descente des allemands et de la milice a eu lieu à Arvigna). Le rapport des FTP, le 30 Juin, situe le problème : «  La position que nous tenions, au Sud-Est de Malléon, n’était plus tenable sans risquer d’être attaqué à notre tour ; et comme nous n’avions pas suffisamment de munitions pour tenir, l’ordre de décrocher à été donné ».

                        Le soir du 30 Juin, le maquis arrive et couche au hameau même. Les uns sont arrivés à pied; les autres avec un camion pris à une minoterie (avec l’armement et les vivres de l’ancien cantonnement), un blessé (Roger BELLECOSTE dit « Ardent ») est emmené en voiture.. Au passage, les FTP rencontrent un barrage de gendarmes prés de Lavelanet: ces derniers sont désarmés (six mousquetons avec 45 cartouches, 7 revolvers à barillets avec 35 cartouches et … 3 casques sont saisis).

                        Le Grézat, nom du lieu-dit où ils séjourneront, appartient à la famille CLANET de Coulzonne. Il comprend, alors, 6 bâtiments (étable et granges).

                        Ce cantonnement devait être provisoire : il s’agit d’un repli face à une situation préoccupante. Si le ravitaillement en nourriture ne posait pas de problèmes majeurs, à l’ inverse, celui de l’eau devant être fournie à 82 hommes en était un.

                        La position géographique du camp, en creux, et pratiquement encerclé de collines ou de rochers, ne pouvait maintenir une sécurité qu’en ayant des postes de sentinelles multiples (monopolisation d’hommes). Et cela, d’autant plus que le maquis se trouve situé dans un triangle cerné de routes (Foix- l’ Herm- Lavelanet d’une part et Lavelanet- Nalzen- Saint Paul Foix ou Tarascon d’autre part). Les responsables militaires reconnaissent en avoir été conscients… mais semblent avoir été en bute avec un commissaire régional (chargé de la sécurité) qui a laissé « traîner les choses ». Le provisoire a duré…

 

1er Juillet:

                        Le matin, l’on s’installe dans les granges du Grézat, en bordure d’un vaste pré. A cette époque, une roche, en plein tournant, empêchait les véhicules de traverser le hameau de Coulzonne. La charrette et les boeufs d’un agriculteur du lieu sont réquisitionnés pour porter le contenu du camion (qui devra rester en contrebas du village).

                        Durant la journée, une opération réalisée par le 1er détachement a emmené la prise de 850 litres d’essence.

                        Le même jour, un chef milicien de Mirepoix est « abattu » en pleine place de la ville par un FTP parti en mission (c’est ce que croient les maquisards, car, en fait, il n’est que blessé).

 

 

2 Juillet:

                        10 FTP, sous le commandement du CT de Cie et du CE du 2ème détachement partent vers 22 H et récupèrent 1200 KG de confiture à Pamiers (au Siège de l’OCADO). Au retour, d’autres vivres sont récupérés chez un négociant de la Tour du Crieu (haricots…). Cette expédition assurera une partie du ravitaillement du maquis dans les jours à venir…

                        Ce même jour, après la mort de Philippe Henriot, et en représailles, trois prisonniers sont exécutés à Permilhac, prés de Foix par la Milice.

 

 

3 Juillet:

                        Une opération menée conjointement entre FTP et Guérilleros sera menée durant l’après midi de cette journée. Elle aura un retentissement important dans toute l’Ariège par son impact psychologique: L’une des plus grandes villes du département ne sera plus contrôlée par les forces multiples de l’occupant. Cela provoquera un sursaut national dans la cité et ailleurs, mais créera, aussi, une exaspération suprême pour l’autorité administrative, policière et politique dans le département et la région.

                        Reproduisons le compte-rendu qui en a été fait le 4 Juillet par le CE de Cie « JEAN TORRENT » (c.à d. CALVETTI) dans ses rapports à destination de la direction régionale:

 

                         » Le 3 Juillet, 55 hommes de notre Cie et deux détachements  de la MOI attaquaient Lavelanet. A 16 H 30, après avoir concentré nos forces à 3 KM de Lavelanet sur 3 routes, celles de Foix, Mirepoix et Pamiers[3], l’ordre d’attaque était donné pour 17 H 15. Alors que nous pénétrions pour l’opération, nos camarades de la MOI rentraient déployés en tirailleurs. 2 fusils mitrailleurs étaient placés, en ouverture, sur les routes principales et 2 groupes sur les autres routes sortant de Lavelanet. Une équipe de 5 hommes attaquait la Poste. Au même moment, 30 hommes maîtrisaient et désarmaient les gendarmes. Une fois ces opérations terminées, des équipes de 3 hommes attaquaient les banques, la perception et la mairie. Un groupe de 15, sous le commandement du CO de détachement (ARMOR) attaquait la coopérative « Le Clairon » et un autre de 8 attaquait l’usine ESCHOLIER.

                        Nous sommes restés maîtres de la ville pendant 1 H 45. Il nous a été impossible de trouver un milicien ou un suspect qui nous avait été signalé par nos services de renseignements.

                        Au moment de se replier, un badaud nous a signalé 2 jeunes gens comme étant des miliciens: nous les avons ramenés avec nous. Mais après interrogatoire et vérification de papiers, nous avons pu établir, d’après une liste qui avait été donnée par ANDRE, responsable du Comité de Libération de Lavelanet à un de nos gars pendant l’opération, que ces deux gars étaient victimes de délation et nous les avons relâchés.

                        Au cours de cette opération, 358 805 Fr. ont été récupérés; plus un important stock de vivres, 25 mousquetons, 4 machines à écrire et 15 coupons d’étoffe.

                        A 18 H 45, l’ordre de repli était donné au milieu d’une foule enthousiaste qui chantait la Marseillaise. Nous avons été obligé d’abandonner à Lavelanet une voiture qui nous était tombée en panne. »

 

                        N.B.:

                                   Seuls 55 hommes  du maquis FTP participent à l’opération: en effet, le 3éme détachement n’était pas présent, car il est parti en mission sur Saint-Girons. Cependant, il convient d’ajouter à ce chiffre les guérilleros espagnols : ce qui fait qu’une centaine d’hommes ont investi la ville de Lavelanet

                                   Un allemand a été tué ce jour là: le car Bousquet arrive et se gare ( prés du Rond Point actuel). Un maquisard garde le secteur. Un allemand descend du transport en commun. Ils se voient. Le germanique tente de dégainer: le FTP tire le premier…

                                   La ligne téléphonique avait été coupée au préalable.                

                                   La voiture en panne (une familiale « 15 »): le camion part devant, mais la voiture ne démarre plus: le chauffeur a mis le carburant destiné au camion dans son véhicule! Il fut mis en « quarantaine » car soupçonné d’avoir fait cela exprès!

                                   Quant aux gendarmes, il fallut faire le tour des hôtels réquisitionnés pour les abriter devant les attaques successives dont ils furent l’objet. En effet, un « coup » était fréquemment préparé afin que ceux-ci  sortent de leur caserne pour mieux la délester de ses armes.

 

                                   Dans ce même rapport, CALVETTI, au nom de l’état major de la Cie, demande « s’il est possible de donner à notre compagnie le nom de Raoul Bonnafous », tué à Vira le 9 Juin 1944. Ce qui, semble t-il, n’a pas pu se faire car une autre organisation au niveau national se mettait en place en attribuant un N° aux compagnies. C’est pourquoi celle qui nous intéresse aura pour nom « la 3101ème », celle du Couserans avec René Plaisant: « la 3102 », celle autour de R BURG du Pays d’Olmes: « la 3103″… A l’époque qui nous intéresse, le maquis de Roquefixade est toujours la « 1ére Cie FTPF de l’Ariège ».

 

 

4 Juillet:

                        Durant toute la matinée, Joseph, l’agriculteur de Coulzonne, fait des va et vient entre l’entrée du village et les granges (avec ses boeufs et sa charrette) afin d’emmener le butin de la veille au Grézat.

                        Des patrouilles FTP sillonnent le secteur pour repérer les mouvements soit allemands soit de la milice.

                        Un camion d’un maraîcher qui transportait des abricots est intercepté et délesté de son chargement à Celles. Au même lieu (entre Labaure et Celles) et dans l’après midi, le groupe OSCAR (Benito PEREZ) attend un petit convoi  de camions allemands. La population qui emprunte cette route à ce moment est conviée à rebrousser chemin…

                        Vers 16 heures, le groupe Oscar est échelonné, tous les 20 mètres en groupe de trois : chaque groupe forme un triangle (deux hommes proche de la route, dans les acacias ; le troisième en retrait).

                        A la hauteur de Labaure et à l’entrée de Celles, un éclaireur doit laisser passer le convoi et tirer sur le dernier véhicule, signalant ainsi le déclenchement du combat.

                        Le convoi arrive de Nalzen, avec une voiture française roulant en tête : c’est celle que les maquisards ont dû laisser la veille à Lavelanet.

                        La sentinelle de Labaure hésite. Il est repéré : l’automitrailleuse qui précède les deux voitures allemandes lui tirent dessus.

                        Lorsque le convoi allemand arrive aux acacias de Celles, grenades et mitraillettes retentissent. L’automitrailleuse riposte tout en fuyant. Son tireur est atteint…

 

                        Le même jour, dans son rapport, Calvetti écrit : « L’organisation et le recrutement se poursuivent »

 

 

5 Juillet:

                        Pour plus de sécurité, il est décidé de diviser le groupe en petites fractions, car les renseignements recueillis après l’attaque de Lavelanet font craindre des représailles. Un nouveau cantonnement doit être trouvé : Manuel SERRA « GODEFROY » doit s’en charger… Il rejoint sa femme à Lavelanet…

                        Des patrouilles se postent ou sillonnent le secteur. Des troupes allemandes sont vues entre l’Herm et Rappy. Vers 17 heures, des camions allemands, circulants dans le sens Foix-Lavelanet, sont aperçus sur la 117, à la hauteur de Palot et  s’y arrêtent pour charger un veau, selon le témoignage des sentinelles en place non loin, au Roc Louis. Les propriétaires des lieux ont le souvenir d’une de leurs bêtes tuée par des camions allemands, mais ne situent pas cet événement à cette date… Peu avant la fin du jour, ces camions repartent vers Lavelanet. Le maquis comprend que l’arrêt n’est pas fortuit.

                        Vers 18 H, toutes les patrouilles, comme convenu, sont revenues au cantonnement. Daniel PUJUILA alias « Daniel » ou « ANDRE FAURE » part en mission au maquis des guérilleros, situé prés de Montségur. Pour plus de sécurité, l’on camoufle une partie de la propriété du maquis (le site s’y prête bien avec ses rochers et ses cavités).

                        Il est décidé que certains groupes remontent vers les crêtes (en particuliers celui de l’Etat Major qui ne sait toujours  pas la date du repli) pour y finir la journée et y passer la nuit. Les groupes RIVIERE et OSCAR restent au Grézat.

 

                        Dans la journée, de nouvelles recrues sont arrivées. Parmi elles, César TOMASINI alias « ROBINSON » (Réfractaire STO) qui arrive d’une exploitation forestière située prés du Bénal sur la commune de Freychenet; Jean GARCIA dit « VENDREDI », TREMEZAYGUE et LOPEZ de Larroque, CELERINI de Lavelanet, BIGOU de Lavelanet…

                        Ces nouvelles recrues sont ventilées dans les différents groupes après avoir pris leur nom de guerre. C’est pourquoi, le cloisonnement et les noms d’emprunt durant ces circonstances font que les identités et les actions menées par les uns ou les autres sont difficiles à détecter. Outre ceux qui se connaissaient antérieurement, seul, le secrétaire d’alors, JEAN SANNAC alias « JEAN FERRAND » sait la vraie « carte d’identité » des engagés…

 

 

6 Juillet dans la matinée:

 

                        La nuit du 5 au 6 a été calme. Les groupes de surveillance se sont succédés. Vers 8 H du matin, ceux qui ont passé la nuit en crêtes redescendent au Grézat (sauf le groupe « Robino » qui y reste en alerte). Des sentinelles sont postées aux points prévus, comme à l’habitude (au Roc de l’Aigle; à Pin Merle…). L’E.M. convient qu’il est urgent de rassembler le matériel et de décider, dans l’après midi, de le transporter sur les crêtes où la Cie s’installerait en attendant le départ vers de nouvelles positions.

                        Au même moment, selon un témoignage, une habitante de Roquefixade rencontre un milicien sur le chemin de Rambert alors qu’elle allait à un jardin pour y bêcher les pommes de terre. Il lui demande s’il y avait des maquisards dans le secteur et où conduisait un chemin que l’on aperçoit du côté de Février (commune de Nalzen).

                        Des jeunes arrivent au maquis pour être engagé. Parmi eux, deux arrivent de Pamiers (ville qui a fourni bon nombre de maquisards): JACQUES ROUSSE et Eloi ULMANN. CALVETTI alias « LOUIS » ne souhaite pas les garder vu leur âge et leur signifie qu’après le repas de midi, ils seront raccompagnés chez eux…

                        Les foins se poursuivent: habitants et maquisards y travaillent… Des liens se nouent: l’un des maquisards ayant travaillé à Saint-Paul demande à une habitante d’apporter un « petit mot » à sa « petite amie »; certains envisagent d’échanger du saucisson contre du sucre; etc…

                        D’autres sont chargés d’une mission sur place: des grenades défensives américaines, récupérées lors du dernier parachutage, n’étaient pas prêtent à l’emploi: il fallait y mettre les bouchons percuteurs: ce qu’ils firent… et heureusement  pour la Cie, le matin même du 6 Juillet.

                        Les responsables de la Compagnie modifient les groupes dans la matinée vue l’arrivée de nouveaux éléments : leurs nouvelles compositions seront annoncées au repas de midi.

                        Bref, comme il est logique, seul l’E.M. se fait de la bile… Les jeunes FTP restent des jeunes: insouciants, « grandes gueules » (selon les termes de l’un d’entre eux) et prêts à tout car rien ne semble les arrêter…

                       

 

                        Entre 11 H et midi, la chaleur est à son paroxysme: l’on décide d’aller manger. Des paysans de la commune vont chez eux, d’autres restent… Le groupe « ROBINO », resté en surveillance dans les rochers de la crête, redescend. CALVETTI propose à ses membres de se reposer. Tout paraît calme…Au cantonnement, les cuisiniers (dont BARTHES dit « PERI ») et l’intendance ont prévu pour les maquisards : des haricots (fraîchement récupérés à la Tour du Crieu), des pâtes, du jambon (très salé, aux dires de l’un d’entre eux), et de la confiture (récupération nocturne récente).

                        La famille CLANET de Coulzonne (propriétaire du Grézat) part  manger chez elle. Les maquisards s’installent dans le pré qui longe les granges du Grézat ; certains, même, se rasent…

 

                       

Rappel sur la situation de la Cie à Roquefixade, le 6 au matin :

 

1)  Le cantonnement de Roquefixade n’est, en théorie, que provisoire : l’on est « en transit », après les diverses actions menées à partir de la Vallée du Douctouyre (Pamiers, Rieucros, Mirepoix, Varilhes…) et des représailles qu’elles ont engendrées (à Vira, en particuliers, Arvigna…).

2)  La Cie, depuis son installation au Grézat 5 jours auparavant, ne s’est pas contentée d’y « séjourner »… Elle a poursuivi des actions ponctuelles et ciblées, dont la plus retentissante est celle de l’occupation de Lavelanet, le 3 Juillet…

3)  La Cie n’est pas composée, globalement, de militaires (armée régulière). Ce sont avant tout des militants qui se sont regroupés ; des jeunes qui ont fui une situation pleine de contraintes ou engagés pour prouver qu’ils peuvent faire autrement… Ainsi, donc, si l’objectif (de type militaire ou de guérilla) résulte essentiellement des missions assignées après le débarquement du 6 Juin, la Cie est composée de divers engagements humains. La bonne volonté ne fait pas nécessairement le soldat…

4)  L’armement, condition élémentaire pour attaquer ou se défendre, est réduit au minimum. Les parachutages réalisés sur la zone départementale n’étaient pas spécialement destinés aux FTP. Il fallut à ces derniers se procurer, par leurs propres moyens, mousquetons, mitraillettes, grenades et munitions… A ce propos, il faut noter une contrainte, essentielle, résultant de cet état de fait : un détachement, suffisamment armé, est de garde à tour de rôle. Le 6 Juillet, c’est celui d’ « OSCAR » qui est de service. Les autres membres du maquis, restants en réserve, sont de ce fait pratiquement désarmés.

 

 

 

Vers Midi -13 H

                        Alors qu’au village de Roquefixade (distant d’environ 2 Km du Grézat et de Coulzonne) tout est calme, trois  lieux stratégiques sont à considérer:

                                   – Pin Merle et Fond Rouge (côté Roquefixade, en bordure de la D9) où se trouve une sentinelle (à environ 800 m des granges du Grézat et 400 m à vol d’oiseau du hameau de Coulzonne) ;

                                   – Le Grézat (cantonnement au Nord-Est de Roquefixade) ; où les maquisards sont à l’heure du repas (avec deux sentinelles postées non loin) ;

                                   – Coulzonne (hameau au Sud- Est), où la famille Clanet s’apprête à manger.

 

A Coulzonne:

                        Dans ce hameau, vivent deux familles d’agriculteurs.

                        Berthe a préparé le repas pour sa famille qui arrive et s’installe.

                        D’habitude, une sentinelle est postée devant la maison qui se trouve à l’entrée de village. De cet endroit, l’on surplombe la vallée de Mondini aux Chaubets… Or, à l’heure du repas, celle-ci n’y est pas…aux dires des habitants…

                        L’on commence à manger. Soudain, la porte s’ouvre et la maison est envahie d’une trentaine de miliciens. La maison est fouillée (tiroirs, grenier…) tandis que l’on fait sortir la famille que l’on aligne durant ce temps contre le mur de la cuisine. « Si l’on trouve quelqu’un ou quelque chose: votre compte est bon… ». La perquisition n’ayant rien donné, la famille est reconduite dans la cuisine: un milicien, filateur à Lavelanet, (qu’ils reconnaissent), armé d’une mitraillette, les gardera durant toute l’après midi. Le groupe d’assaillants sort et remonte le village… Un instant après, les premiers coups de feu d’armes automatiques sont entendus…

 

A Pin Merle et Fond Rouge:

                        Pin Merle est la colline qui se trouve au dessus de Fond Rouge, dans le tournant de la D9, à la sortie de Roquefixade (où se trouve de nos jours le monument en forme de arche). Un petit col peut mener à Coulzonne et la vallée de Pereille. Une sentinelle  est en poste…[4]: elle est à 8OO mètres du cantonnement.

                        4 cars bleu marine venant de Foix arrivent de Leychert, selon le chiffre donné par des témoins de Roquefixade et Saint-Cirac, (6 selon un rapport rédigé par « OSCAR » ou 4 à 6 selon des maquisards) et s’arrêtent à Fond Rouge.

                        La sentinelle qui avait ordre de tirer en l’air, s’il y avait une menace éventuelle et urgente, ne le fait pas. Elle part en courant vers le Grézat où se trouve le cantonnement.

                        Durant ce temps, des GMR et des miliciens débarquent des véhicules et se déploient en progressant à mi chemin entre Coulzonne et le monument actuel (Rambert), sans aucun problème ; certains sont envoyés en crêtes entre Coulzonne et le Grézat ; un side-car, munie d’un fusil-mitrailleur, prend place dans le tournant…

 

 

Au Grézat:

                                                                                                                                                        

Vers midi, après que CALVETTI (« LOUIS ») aie divulgué la formation des nouveaux groupes et lu un communiqué de leur chef national, TILLON, l’on commence à manger dans le pré. Cela fait, environ, une demie heure que le groupe « Robino » est redescendu des crêtes.

La sentinelle qui était postée à Pin Merle arrive, en courant et essoufflé, pour avertir que des « inconnus armés montent vers le maquis : ils sont torse nu, quelques uns ont des casques. Je pense que ce doit être des guérilleros. » (selon les termes d’un responsable de la Cie[5])…CALVETTI comprend : « Si c’étaient eux, ils nous auraient prévenus !… »[6].

 

                        Aussitôt, c’est le branle-bas de combat dans le pré et les bâtiments du cantonnement.

Le détachement d’OSCAR, de garde ces jours là, est envoyé sur le champ par CALVETTI vers Fond Rouge afin de voir ce qu’il se passe : il comprend  le groupe de Bénito PEREZ, celui de BUSTAMENTE François et celui de RAUZY.

Le groupe GABY doit prendre position entre Coulzonne et Rambert, sur Pin Merle et agir au mieux.

RIVIERE prend sur ses épaules Roger BELLECOSTE, blessé à la cuisse par une balle avant d’arriver au cantonnement de Roquefixade, et le transporte en contrebas pour le laisser aux bons soins de quelques camarades, puis retourne au Grézat. CALVETTI envoie les « bleus », arrivés tout récemment, et le groupe « ROBINO » (dont François GARCIA, Segundo HERRAEZ, BARTHES dit « PERI »….) dans le chemin qui descend vers Rappy: ce qui se fait sans problème, c.à d. sans rencontres (ni GMR, ni miliciens, ni allemands) aux abords immédiats du Grézat.

                        Le détachement « hors cadres » et le P.C. récupèrent des sacs à dos ou des baluchons laissés par leurs camarades partis en reconnaissance et remontent en direction des crêtes, à environ 250 à 300 mètres des granges du Grézat, du côté de la grotte dite de « l’église catholique ». Il y a CALVETTI alias « LOUIS », Jean SANNAC « Jean FERRAND, Marcel BLUM alias « LACOSTE », René CASTEL « LAPIN », Gustave MEYER dit « WALMY », Aimé PAGES « Le Crieu », BUSTAMENTE Emile dit « MILOU » (agent de liaison), SANCHEZ Julien, Gilbert ALLEGRE dit « JIM », LEVY « CLAUDE » (C.T.), SARDA Siméon, Hilarion CUENCA du groupe RAUZY, mais qui en tant que trésorier de la Cie, est resté au Grézat , De BON « BIDOUCHE », …etc.

                        Les deux autres détachements (ceux de François CAURET dit « ARMOR » (C.O.) et de RIVIERE « VINCENT ») se faufilent entre les crêtes où se dirige le P.C. et le groupe OSCAR, parti vers Rambert.

                        Marcel PONS, un cousin de la famille CLANET, qui était resté au Grézat avec le maquis, part avec son chien se cacher sous un rocher: il sera pris par les GMR et emmené à Lavelanet où sera relâché.

                        Les deux sentinelles, postées prés du cantonnement du Grézat, sont faites prisonnières des GMR : on apprendra, plus tard, que leur commandant aurait refusé à la Milice de les exécuter et les prit, donc, en charge. Au procès de MARTY, en 1948, il est dit que l’un d’eux  (J. SANCHIS dit « PEPE »), sans avoir eu la possibilité de se défendre, est fait prisonnier, avant que les combats ne commencent. Il sera transféré à Toulouse et torturé car « il avait des idées sociales subversives ».

 

 

Le détachement OSCAR et les combats :

                        Les trois groupes arrivent en courant vers le croisement des chemins de Coulzonne et de Roquefixade. A 200 mètres du convoi de Fond Rouge, OSCAR met le détachement en colonne (un homme tous les dix mètres). Ils avancent en se tenant le plus prés de la montagne, car ils sont à découvert.

                        OSCAR et son groupe arrivent à la hauteur du rocher où se trouve actuellement la plaque commémorative. OSCAR donne l’ordre au groupe RAUZY (8 personnes) de prendre le sentier qui va vers Coulzonne, malgré l’opposition de François BUSTAMENTE. Le but était de faire un mouvement d’encerclement.  Ce que tente de faire RAUZY avec ses hommes. Mais très vite, des coups de feu se font entendre : la milice était déjà en position sur la crête… Le groupe RAUZY, le premier au contact du feu, fait demi tour et revient vers le groupe BUSTAMENTE qui se trouve juste après le monument des maquisards actuel, au lieu-dit « Rambert ». OSCAR ordonne aux hommes de se coucher. Ils attendront  ainsi, que les mitrailleuses ralentissent leurs tirs.

Ils restent cloués au sol durant 15 à 20 minutes. Puis vint une accalmie. Il est décidé d’aller se protéger du tir des mitrailleuses derrière les rochers distants d’une cinquantaine de mètres de là. Dans ce repli, certains se mettent à découvert en se dirigeant vers Roquefixade. C’est alors, d’après les témoignages des rescapés, qu’un fusil mitrailleur  se met en action tuant ou blessant des maquisards des groupes BUSTAMENTE et RAUZY. Trois fusils mitrailleurs sont mis en batterie par les assaillants des maquisards, qui, eux n’ont que des mitraillettes et des grenades.

Aussitôt, 8 (ou peut-être 9) maquisards sont touchés…

                        Raymond CASTILLO et Robert SANNAC (du groupe BUSTAMENTE) font demi tour, puis se dirigent vers le Grézat pour rejoindre le reste du groupe OSCAR qui vient de se poster derrière le rocher. Dans le repli, R. SANNAC est fauché par une rafale et est tué sans même pousser un cri, alors qu’il s’arrête pour ramasser un chargeur de mitraillette STEN qui lui avait échappé.

                        R. CASTILLO s’engouffre entre les rochers et les buis et grimpe comme il peut vers les crêtes… mais il a dépassé le groupe OSCAR et perd le lien avec lui.

                        Des survivants du groupe RAUZY rejoignent celui d’OSCAR, d’autres remontent comme ils peuvent vers les crêtes. Un maquisard (LENOIR) aurait pu se cacher dans un trou formé de noisetiers et y aurait passé l’après midi, alors que GMR et miliciens passaient et repassaient à moins d’un mètre de lui.

Les maquisards reconnaissent être submergés par  les forces assaillantes : le détachement OSCAR ne comprend plus qu’une dizaine d’hommes, mais seulement cinq maquisards restent groupés autour de leur chef. Ces derniers restent couchés derrière les rochers durant une heure environ. Voyant que la situation s’aggravait, OSCAR envoie une « estafette » au PC (qu’ils pensent se trouver vers le Grézat) pour leur expliquer la situation avec la position de l’ennemi et leur demander de le prendre à revers afin d’éviter l’encerclement. Celle-ci ne pourra pas accomplir sa mission : elle est tuée à mi chemin.

                        Les détachements restants et peu armés, autour de l’E.M, demeurent en retrait et doivent défendre leur position : l’invasion au Nord-Est du Grézat par les GMR (qui n’interviennent pas dans le conflit, mais qu’il faut surveiller) et celle venant du Sud-Est par la milice, en particuliers, à laquelle ils sont confrontés et qui mobilise les moyens. Aucune liaison avec le détachement « OSCAR » n’a pu être effectuée.

                        « MILOU » (Emile BUSTAMENTE) est envoyé pour se rendre compte de la situation et redescend vers le Grézat : il aperçoit une trentaine de GMR remontant vers le mont, situé à l’est, afin d’y prendre position.

 

                        A ce moment, l’engagement changea de tournure.

L’ennemi arrêta le tir des mitrailleuses et envoya les hommes à l’assaut des positions du détachement posté derrière les rochers. OSCAR donne l’ordre à ses hommes de se préparer à faire feu avec les grenades et les mitraillettes et de ne tirer que sur des cibles distantes de 25 à 30 mètres: ils entendent les ordres de les encercler.

                        C’est à ce moment que le combat commença.

                        Miliciens et GMR arrivent par groupes de 5 ou 6 et tirent avec leurs mitraillettes sur les rochers. Il s’agit, alors, de ne pas se laisser déborder. L’on compte les munitions. L’on jette, à tour de rôle les grenades et l’on tire des coups de mitraillettes. OSCAR se souvient avoir employé tous ses chargeurs de mitraillette, quand une balle reste coincée dans le canon : il ne lui reste que son sac de toile, qu’il porte toujours avec lui, et contenant des grenades supplémentaires. Les autres munitions sont épuisées.

                        Cependant, après une heure de ce contact, cette riposte semble suffire : l’ennemi semble plus hésitant à monter à l’assaut des rochers. L’on essaye toujours d’éviter l’encerclement en envoyant une grenade, « cette petite bombe qui fait un bruit d’enfer et beaucoup de dégâts lorsqu’elle atteint son but [7]», tantôt à droite, tantôt à gauche, afin de tenir les assaillants à distance, en attendant que les camarades interviennent afin de les dégager définitivement de cette position.

                       

 

                        *

 

Cela fait plus de deux heures que les combats ont commencé. Une période de calme relatif suit… La plupart des jeunes du maquis se sont repliés vers les crêtes en se dispersant…L’E.M. et la section de commandement se trouvent non loin de la grotte dite de l’Eglise Catholique (au dessus et sur sa droite)…Des GMR et des miliciens sont déployés sur Coulzonne et autour du Roc Louis et vers les crêtes. Les GMR venus du Nord restent autour des granges du Grézat et du Roc de l’Aigle, sans qu’il y ait eu le moindre affrontement avec eux.

Quant au groupe « ROBINO » qui est descendu vers Rapy, il traverse la route Foix-l’Herm-Lavelanet et entend la mitraille. Il se dirige, alors, vers Malléon.

Cependant, non loin du groupe « OSCAR », gisent des jeunes maquisards tués ou blessés…

                        A Coulzonne, alors que la famille CLANET est séquestrée, le grand-père, JOSEPH, a dû, sous la menace, atteler une nouvelle fois la charrette et les bœufs. Il devra faire – entouré de miliciens de la Franc Garde – plusieurs voyages (en sens inverse !) pour ramener depuis les granges du Grézat à Coulzonne le butin (tissus, sucre, barils de confiture, cigarettes…) qu’il avait lui-même apporté quelques jours auparavant… et cela sous quelques tirs venant des positions prises, en crêtes, par des maquisards. Des sacs à dos, laissés au moment de l’attaque, sont récupérés.

                        Après quoi, les assaillants mettent le feu aux granges.

 

 L’E.M. décide, alors, d’envoyer la moitié de la section de commandement, qui avait 4 ou 5 mitraillettes et des mousquetons, sur la ligne de crêtes, avec pour objectif de tirer sur tout ce qui pouvait bouger en contrebas. Le commandement est confié à Claude LEVY, alias « CLAUDE », ancien pilote de chasse et commissaire technique de la Cie. L’autre moitié de la section (commandée par « ARMOR ») doit se rabattre et descendre sur sa gauche, en direction des granges du Grézat, pour essayer, le plus rapidement possible, de dégager les maquisards encerclés.

L’E.M. est inquiet de n’avoir pas de nouvelles du groupe GABY, qui devait, initialement, prendre position vers Coulzonne. « PETIT PAUL » se propose et part en mission afin de savoir ce qu’il est devenu, alors que le combat est devenu sporadique. Hugon BERDIN dit « PETIT PAUL » était un des juifs venant du Château de La Hille, prés de Montégut-Plantaurel : il avait 15 ans. Quelques minutes de calme, et puis, tout à coup, explosion de grenades et d’obus de mortier, ainsi que de rafales de mitraillettes. Aussitôt après, suit une rafale plus longue de F.M.. L’E.M. comprend alors que la mission assignée à ce jeune, venu se cacher au maquis pour ne pas vivre ce qu’ont subi ses parents, ne pourra pas être remplie : il est, environ, 16 heures…

                        Cependant, la manoeuvre entreprise pour dégager le groupe encerclé dans les rochers surprend l’opposant. Ce qui sera confirmé au procès  MARTY, en 1948, qui déclare : « La bataille ne semblait pas reprendre, quand d’autres FTP arrivent en renfort… », puis « Des coups de feu étaient tirés de partout… J’ai donné l’ordre à mes forces de se replier…».                      

En effet, depuis les crêtes, en même temps que les porteurs de mousquetons tiraient à vue, sur des cibles choisies, « CLAUDE » faisait envoyer quelques rafales de mitraillettes appuyées pour faire croire au tir d’une arme automatique.

Les groupes (« ARMOR », RIVIERE « VINCENT »), dirigés vers les granges du Grézat, font crépiter des salves depuis les crêtes, provoquant la fuite des miliciens et GMR engagés dans les rochers. Les GMR de MARTY, situés prés du Grézat se replient, sans même avoir combattu.                       

 

Devant cette offensive soudaine, venue des crêtes, l’ennemi commença à se replier sous les ordres des chefs.

OSCAR ordonne à ses hommes de ne plus bouger et d’attendre.

 

« OSCAR » est dégagé avec ses trois hommes, dont l’un est blessé :il ne reste qu’une grenade.

                        Coulzonne, Fond Rouge, Rambert et le secteur du Grézat sont, pourtant, aux mains des miliciens et des GMR. Les maquisards sont, maintenant, repliés dans les bois et les rochers, en crêtes.

 

                        C’est vers ce moment que Gustave MEYER dit « VALMY », monté avec « CLAUDE » et ses hommes sur les rochers derrière le Roc Louis, vise à l’aide d’un mousqueton le conducteur du side-car, qui démarrait de l’abreuvoir de Fond Rouge, et le tue. Le véhicule quitte la chaussée et dévale le pré en contrebas pour s’arrêter contre un arbre. Le chauffeur et le passager du « panier » restent étendus sur la route : il se trouve qu’il s’agissait d’un officier et d’un sous-officier….

                        Cet événement affola les assaillants qui se rassemblent en s’appelant et se replient.

Dés lors les combats cessèrent…Il est prés de 18 heures…

Les GMR et la Milice rejoignent Fond Rouge ou Coulzonne et font, selon des témoins, des va et viens incessants pour transporter blessés ou tués. Les maquisards sont en crêtes : la plupart d’entre eux s’enfoncent dans les bois et s’éparpillent…

Cependant, comme le déclare GARDELLE, président de la cour lors du procès de MARTY et de ses co-inculpés : « Les maquisards ont eu le dessus et les miliciens, dans leur rage, ont assassiné des patriotes blessés »… Ce que confirmeront des témoins…

Quant au groupe GABY, qui devait prendre position entre Rambert et Coulzonne, on sait qu’il n’y est pas allé et qu’il est remonté vers les crêtes, où R. CASTILLO et H. CUENCA[8] le rejoignent dans leur repli.

 

 

 

                        A Coulzonne, en fin après midi, comme à l’habitude, Mr DELMEAU qui revient de travailler de la mine souterraine de Pereille, arrive au bas du village et aperçoit la charrette et les boeufs de JOSEPH. Arrivé à la route où il doit prendre le raccourci qui doit le conduire à Roquefixade, il est arrêté par un GMR qui lui conseille de ne pas partir en courant. Il est conduit, mains sur la tête, au P.C. de la milice qui s’est installé chez JOSEPH et MARIE. Après avoir été fouillé, il est interrogé. A ce moment, un milicien (un « petitou », selon l’expression du témoin) arrive et déclare au chef des GMR que la milice a 24 tués et que le chef de Foix a pris une balle dans le cou. Il est recommandé à Mr DELMEAU, mitraillette contre le ventre, de se taire faute de quoi son compte était fait… Il sera relâché lorsque le Q.G. partira, c.à d. après 18H, avec le camion récupéré par les maquisards à une minoterie et qui avait été laissé à l’entrée du village.

                        Sur le chemin qui le conduit à Roquefixade, Mr DELMEAU se trouve face à face avec un maquisard, âgé d’environ 17 ans, caché dans le trou d’un taillis de noisetiers, grenade à la main. Il lui dit que la milice était partie du côté de Coulzonne, mais ne sait rien pour ce qui est d’ailleurs. Il s’agirait de « LENOIR »[9], épisode dont se souviennent  les anciens. Arrivé à Rambert, il voit les corps des maquisards tués, prés du rocher et sur des buis. Il presse le pas pour arriver le plus vite possible à Roquefixade. 

 

                       

                        De même, à Coulzonne, la famille CLANET est relâchée à la même heure. Elle sera témoin du fait suivant: les barricots de confiture avaient été ramenés du Grézat et chargés sur le camion des maquisards; l’un de ces récipients – à moitié vide – est laissé devant la maison CLANET par l’un des miliciens qui leur dit de le garder… ce qui n’a pas plu à l’un de ses compagnons et qui le renversa sur la route plutôt que de le leur donner… Il y eut durant plusieurs jours des abeilles et des guêpes qui vinrent butiner ce qui restait…

 

                        Quant aux rescapés du détachement « OSCAR », ceux qui ont pu remonter en crêtes tentent de rejoindre des camarades ; ceux restés avec leur chef, au nombre de trois, après le départ des camions de la Milice et des GMR, quittent leurs positions et descendent vers « Rambert » où gisent, sur le sol, leurs camarades criblés de balles et couverts de sang. Atterrés par le « spectacle », dans une situation de sécurité précaire, ne pouvant rien faire pour leurs camarades tués, démoralisés et choqués, ils se dirigent, alors, vers le campement du Grézat où une autre vue de désolation les attend…

 

                        Selon les actes émanant du Tribunal Civil de 1ère Instance de Foix (déclarant les décès des maquisards de Roquefixade), ont été, ce jour là, tués ou blessés (puis achevés, sur  ordres du chef de la Milice, selon les témoignages) : Jacques DANDINE (18 ans), François RAUZY (20 ans), Bernard GARCIA (18 ans), Robert SANNAC (18 ans), François BUSTAMENTE (20 ans), Marceau BOSC (19 ans), Kléber BOSC (17 ans), Léopold ARSEGUEL (29 ans), Augustin Georges CALMON (22 ans), Daniel LOPEZ (19 ans), Raoul TREMESAYGUES (16 ans).

                        Soit 11 morts… A ceux – là, s’ajoute Egon  « BERDIN » (en fait BERLIN)  « PETIT PAUL » qui aurait voulu être agent de liaison entre le groupe P.C. et le groupe GABY: il serait tué au cours de cette opération, selon le témoignage même de Jean SANNAC. L’acte de décès le concernant n’a pas été retrouvé[10]. Ce qui ferait, dans ce cas, 12 tués pour cette seule journée.

                        Cependant, le nombre exact et l’identité des tués de ce jour du 6 juillet n’est pas une certitude. Après la Libération, l’on parle (journaux) de 10 morts (y compris H. BERLIN), sans que ne soit mentionné le cas de Jacques ROUSSE, présent à Roquefixade, ce jour là, et qui fut fait prisonnier et conduit à Foix. Quant à LAURENS et DELPLA, ainsi que la plupart des maquisards, le chiffre de 11 est donné… 

 

 

                        L’on entendit les détonations à Freychenet, au Col de la Lauze, au Bénal. Daniel PUJIELA alias « DANIEL » ou « ANDRE FAURE » (Commandant adjoint de la Cie) les perçoit, alors qu’il est au maquis des guérilleros de Monségur. Il en est de même dans la vallée du Douctouyre.

 

                        Il semblerait, selon les témoignages recueillis, que la position du Grézat était assignée aux GMR ; celle de Coulzonne, essentiellement aux miliciens ; celle entre Coulzonne et Roquefixade autant aux GMR qu’à la Milice. Soit seulement trois appuis. Aucun groupe (milicien ou GMR) n’a pris position sur le plateau supérieur de Roquefixade (côté Grotte Catholique)…

                        Ceci est confirmé, le 22 Juin 1948, par MARTY lui-même : « PINCEMIN, avec ses miliciens attaque par le Sud. A la tête des GMR, nous arrivâmes par le Nord ». Avant d’ajouter : « Il y eut des morts des 2 côtés… »

                        N.B. : L’appellation GMR englobe autant les Gardes Mobiles de réserve que ceux d’active… (dont ceux de la fameuse « Brigade de l’Intendant »).

                        Un co-accusé de l’Intendant régional avouera, le 15 Juin 1948, que MARTY et la brigade, encadrés par des GMR, des miliciens et des allemands, ont attaqué le maquis de Roquefixade et que des patriotes blessés ou faits prisonniers ont été assassinés

                       

 

Le soir du 6 Juillet:

                        L’attaque du maquis de Roquefixade opposant 120 GMR et miliciens (selon C. DELPLA et A. LAURENS) à 80 maquisards se solde entre 10 et 12 morts et 3 prisonniers pour les FTP et – officiellement – 2 tués pour la milice (Cf Dépêche du 11 Juillet et 18 Juillet 1944) ou 24 (et plus sûrement 25) pour Mr DELMEAU; et entre une dizaine à une trentaine selon les maquisards eux-mêmes. En 1948, Gaston VIDAL, secrétaire départemental de l’Association des FFI-FTP, annonçait, à Roquefixade, 73 morts ou blessés pour la Milice et les GMR.

                        Quoiqu’il en soit, des habitants de Roquefixade, – bien que barricadés chez eux – ont vu les miliciens faire des allers et retours incessants entre Rambert et Font Rouge et qui transportaient des corps. Au moins 4 camions, desquels coulait du sang, auraient été vus à Lavelanet même.

 

                        Quant aux maquisards: un groupe épars est descendu vers Rappy, sans difficultés, et y a passé la nuit (les « bleus »). Le groupe GABY, auquel se sont adjoints R. CASTILLO et H. CUENCA (qui le trouvent en se repliant), n’a pas eu de liaisons avec les autres détachements et passe la nuit isolé sur le Pech du Plantaurel. Il est  recueilli par un groupe d’ouvriers espagnols qui faisaient du charbon du côté de Leychert et qui les fait manger et dormir dans leurs cabanes. Le groupe « ROBINO » est prés du Merviel.

Les autres groupes tentent de se rassembler et restent dans les bois du Plantaurel, en se mélangeant parfois. Ils resteront sur leur position. D’autres s’éloigneront, tant le plateau est vaste. Certains se réfugieront chez des amis. Quant aux groupe « OSCAR », n’ayant trouvé aucun de leurs camarades, ils quittent les environs du Grézat et passent la nuit à quelques kilomètres de là, dans les bois, en attendant le lendemain.

Le souvenir, pour bien d’entre eux est d’avoir mangé des cerises (qui furent évacuées parfois dans la douleur). Cependant, personne ne pouvait s’imaginer les pertes en hommes, résultant de cet engagement: pour la plupart, c’était « le  baptême du feu », et ceux qui ont connu les combats de Vira craignent le pire. Des agents de liaisons sont envoyés afin de pouvoir se rassembler dans les bois entre Roquefixade et Roquefort les Cascades.

 

                        Quant à Coulzonne: la famille CLANET- qui a été dépouillée de ses vivres par la milice – décide d’envoyer, pour plus de sécurité, les enfants chez des parents résidant aux Chaubets, en limite de Lavelanet.

                       

                        A Roquefixade, où tout le monde s’est barricadé durant l’après midi, l’on passe la nuit dans la crainte de représailles. Cependant, le témoin qui avait été questionné par un milicien dit avoir revu ce même individu qui sortait d’une cabine téléphonique publique (située chez un particulier, et cela, en fin d’après midi). A Roquefixade, l’on prévoit, aussi, de mettre les enfants à l’abri. HUBERT et sa cousine, par exemple, doivent partir, dés le lendemain, pour un hameau voisin: Madril.

 

 

Résumé :

                        Si nous regardons les faits, l’on peut dire :

n    La Milice et les GMR (bien armés et représentant une centaine de « réguliers ») ont tenté de réduire à néant une compagnie de maquisards « Francs-Tireurs », composée d’environ 80 hommes très pauvrement équipés.

n    En réalité, les forces de Vichy ont eu, essentiellement, à affronter une vingtaine de jeunes (le détachement « OSCAR »).

n    Les circonstances ont fait que la moitié de ces derniers a été anéantie dés le début des combats.

n    Le reste de la Compagnie, en retrait pour des raisons de sécurité et peu armé, s’organise

n    Une contre attaque se met en place pour libérer les camarades encerclés en contrebas et parvient au retrait des forces assaillantes

n    L’attaque armée et meurtrière est très localisée : au sud, au lieu dit « Rambert » : elle concerne Miliciens et GMR  confrontée au détachement venu en reconnaissance. Les autres assaillants n’ayant pas, visiblement, tenté un affrontement.

                       

 

Qui a préparé l’opération de Roquefixade, pour la journée du 6 Juillet?

                       

                        La veille, le 5 Juillet, une expédition est menée à Mirepoix par Pierre MARTY et le chef départemental de la milice. Ils dirigent un corps de GMR et de francs gardes, arrivés, pour la plupart de Toulouse. Cependant, des ariégeois participent aux opérations (dont certains furent condamnés). L’intendant régional du maintien de l’ordre, MARTY, à Toulouse depuis le 15 Avril 44, avait sa brigade propre. La milice ariégeoise, selon A. LAURENS, n’avait que peu d’armes et de moyens de transport. Les allemands devaient assurer l’encerclement et laisser les forces pro-vichyssoises mener l’opération proprement dite. Ce qu’ils firent le 6 Juillet à Roquefixade. Les troupes allemandes bouclaient la zone (route l’Herm- Rappy- Lavelanet et la 117) mais ne sont pas intervenus ce jour-là.

                        Selon C. DELPLA et A. LAURENS, plus des journaux de l’époque, participe à l’opération Claude PLATON, le fils du ministre, alors l’un des chefs de la Franc Garde de Foix. Selon DELPERRIE DE BAYRAC, auteur de « Histoire de la milice: 1918-1945 », Pierre MARTY, lors de son jugement à Toulouse, en 1948 (où il sera condamné à mort et exécuté), aurait dit: « Je commandais moi-même les expéditions afin de mieux contrôler ces brutes assoiffées de sang… En une seule occasion, la milice échappa à mon contrôle et ce fut le terrible massacre de Roquefixade« . Le capitaine de gendarmerie, RABASSET, participe à l’opération et témoigne le 16 Juillet 48: « La milice attaque malgré les ordres de MARTY« .

                        Cependant, lors du procès de MARTY, une polémique s’installa sur la personnalité d’un militaire, connu en Ariège, qui fut dénoncé au tribunal comme étant celui qui « commandait les unités de GMR et de la Garde et préparait, sur le plan militaire, toutes les attaques des maquis dirigées par MARTY »… Ce dernier devait confirmer, le 22 Juin 1948 : « Mes opérations contre les FTP ont été faites en accord avec X… (nom du personnage)».

                        Quoiqu’il en soit, un important collaborateur de Mirepoix avait écrit, quelques temps auparavant, au commandant des troupes allemandes, à Toulouse, pour demander une action énergique de la part de la Wehrmacht dans ce secteur infesté de « terroristes »…

                        Les maquisards, pour la plupart, pensent qu’ils ont été dénoncés par quelqu’un qui connaissait les lieux et leur position de façons précises.

                        Si l’on considère les témoignages, il est à remarquer que l’opération a été soigneusement préparée. Les GMR, arrivés au Grézat, ont surpris les sentinelles. A Coulzonne, les habitants n’ont rien entendu. Cependant, l’attaque fut déclenchée, en trois points différents, et cela de façon simultanée à une heure donnée : celle du repas.

                        Enfin, bien des personnes s’étonnent qu’il n’y ait pas eu de représailles envers la population, comme cela a été le cas en bien des endroits. Cependant, quelques semaines plus tard (le 26 Juillet), il y eut une « descente » des allemands qui prirent trois habitants de Roquefixade : il furent relâchés quelques temps après.

 

 

7 Juillet:

                        A Coulzonne et à Roquefixade, on l’imagine, le sommeil a été long à retrouver. Quant aux maquisards, n’en parlons pas! D’autant plus, que les nuits sont fraîches à 900 mètres d’altitude: car l’on est parti du Grézat, entre 11h et midi, en plein soleil et chaleur et que l’on est en short et souvent torse-nu. Il y a quelques blessés dont il faut s’occuper avec les moyens du bord… Il y a  la faim, car l’on n’a pas eu le temps de se restaurer à midi…, mais surtout la soif… Il y a l’angoisse d’une nouvelle attaque… et du devenir de la compagnie et de sa mission. Certains se retrouvent, seuls, perdus, la peur au ventre…

 

                        A l’aube, le village est, selon les témoignages locaux, envahi – dés 7H- par des allemands et quatre fusils mitrailleurs sont installés autour de l’arbre « de Sully » qui se trouvait alors sur la place du village. Mais personne ne les a entendu arriver, sinon quelques habitants de Saint-Cirac qui ont été réveillés à l’aube. Encore moins les groupes de maquisards restés dans les bois du Plantaurel. C’est l’opération de nettoyage militaire suite à l’action des forces de Vichy de la veille qui doit se mettre en place, comme pour achever ce qui a été commencé et être sûr de l’efficacité de l’action engagée. Ils restent au village environ une heure et repartent en direction de Lavelanet, sans s’arrêter à Fond Rouge.

 

                        BERTHE de Coulzonne veut se rendre à Roquefixade chez JEANNE pour récupérer un peu de pain, au moins, car les miliciens ont tout mangé chez eux. Elle y va avec le grand père et un bûcheron espagnol, appelé MAX (car il y avait un groupe d’espagnols qui coupait du bois prés de Mondini). En sortant de Coulzonne, ils entendent des camions venant, de vers  Mondini, qui montent vers le hameau et comprennent qu’il s’agit des allemands. Ne sont restés à Coulzonne que MARIE et JOSEPH pour garder les boeufs, ainsi que la grand mère.

                        Arrivés à la hauteur de Rambert, ils voient des morts (qu’ils doivent enjamber, ainsi que prés du rocher) et un des maquisards, en short, (selon le témoignage) qui faisait le mort à leur arrivée. Nous ne savons pas de qui il s’agit[11]. Les habitants de Coulzonne l’avertissent que les allemands arrivent du côté du hameau. Ce jeune était en train de rassembler les tués de la veille (selon BERTHE).

                        Plus bas, à la hauteurs des « Nassols » (entre Rambert et Roquefixade), le groupe de villageois (selon leur témoignage) rencontre GABY, ancien légionnaire (connu pour être une « forte tête ») et que BERTHE reconnaît avec ses hommes. Elle l’avertit des bruits de camions qu’ils ont entendu et que cela semble être les allemands. Le téméraire maquisard lui aurait répondu « qu’il verra bien! »… « Qu’il faut aller voir les copains! »… Celui-ci, avec une partie de son groupe (plus R. CASTILLO et H. CUENCA qui les ont rejoint la veille) serait redescendu des crêtes par le château, de son propre chef et s’est retrouvé à cet endroit sans être inquiété. Il se dirige maintenant vers Rambert où eut lieu, la veille, le plus gros de l’engagement armé. Cette version des faits est contestée par les survivants (R. CASTILLO et H. CUENCA) qui disent être descendus par les crêtes du côté du Grézat.

 

                        Arrivé à la hauteur de Rambert (et donc, où se trouvent les morts), GABY envoie HILARION CUENCA (17 ans) en sentinelle sur la colline entre Rambert et Coulzonne, tandis que le groupe reste, hébété, prés de leurs camarades tués la veille. Ils sont tous là, alignés et regroupés sur environ 150 m2 (selon le témoignage d’un des survivants). L’un  a les tripes à l’air: il a dû sauter avec une grenade…

                        H. CUENCA arrive à peine sur le rocher d’où il peut voir la route, en contrebas, en direction de la Vallée de Lesponne (sans apercevoir celle donnant sur Lavelanet) et qu’à Rambert l’on reconnaît les morts, quand des rafales de mitraillettes retentissent… : elles viennent de la direction de Coulzonne.

                        Hilarion CUENCA voit les allemands descendre vers ses camarades en tirant et a juste le temps de se cacher (sous un rocher entouré de broussailles): il n’ a pas été vu.

GABY ne peut crier que: « Les gars, on est foutu… » et tombe sous les balles.

 

Selon les dates fournies par le Tribunal Civil de 1ère Instance de Foix (afin d’officialiser les décès des maquisards de Roquefixade), quatre d’entre eux ont été tués ce jour là. Ce chiffre est aussi soutenu par CUENCA Hilarion.

Il s’agirait donc, à partir de ces documents, de : ULMANN Eloi (16 ans), SELERINI Nine (25 ans), CAMPOS Joseph « GABY » (29 ans), DAUZA Georges (18 ans).

Ainsi qu’il a été dit précédemment, l’identité et le chiffre des tués du 7 Juillet n’est pas une certitude. Après la Libération, le nombre de six est avancé, portant le total des victimes à 16.

Le cas Jacques ROUSSE (14 ans), présent à Roquefixade le 6 Juillet au matin, fait prisonnier et conduit à la prison de Foix ne fut pris en compte que plus tard: en effet, il semble qu’il aie été blessé et pris par les allemands avant d’être enfermé à la prison de Foix. Selon C. DELPLA, il fut extrait de la prison le 19 Juillet pour n’être plus revu par la suite. Selon quelques maquisards, il aurait été retrouvé, à la Libération, enterré derrière la prison. Certains ont pensé qu’il a été tué et enterré à Lauquié (Foix). Cependant, selon le tribunal de 1ére instance de Pamiers, en date du 24 Février 1950, Jacques ROUSSE est déclaré décédé le 11 Juillet 1944 « Aux Armées », puis déclaré « Mort pour la France » le 10 Mars 1959. C’est pourquoi, son nom fut rajouté aux seize jeunes morts sur les terres de Roquefixade.

 

 

                        Quoiqu’il en soit, aussitôt la fusillade déclenchée, R. CASTILLO de Dalou, PAULY de Verniolle et COMES de Mirepoix partent en courant du côté de Roquefixade. Les balles sifflent un instant, puis cessent.

                        R. CASTILLO qui court derrière PAULY remarque la chemise de ce dernier pleine de sang et s’attend à ce que son compagnon tombe, le croyant blessé à la poitrine. En fait, il a trois doigts pratiquement arrachés, ne tenant plus que par la peau.

                        A l’entrée de Roquefixade, ils se cachent dans une grange pour se dissimuler, mais aussi pour reprendre autant leur souffle que leur esprit. R. CASTILLO, ayant sur lui des pansements américains récupérés dans le parachutage de Rieucros et ayant appris, par les cours d’infirmeries promulgués par M. BLUM dit « LACOSTE », quelques jours auparavant, fait les premiers soins. Il faut absolument trouver un docteur. PAULY veut rejoindre le docteur ROGER de Varilhes, qui est déjà en contact avec les FTP.

                        H.CUENCA, avec comme seules armes, une grenade et une mitraillette, reste caché sous le rocher pendant 2 ou 3 heures. Par moments, il voit les allemands à travers les broussailles : il les entendait parler tout prés de lui. Selon son témoignage, les forces allemandes représentaient environ une compagnie. Puis, les allemands se sont rassemblés et sont repartis en camions, à partir de Coulzonne. A ce moment là, il sort de sa cachette et se dirige vers ses camarades qui sont tués. Il se retrouve tout seul, ne sachant plus où aller…

                        Dans l’après midi, les trois autres rescapés réussissent à traverser Roquefixade par la carrière. Les trois « fugitifs » ont été aperçus vers les Poumades, au dessus de Roquefixade. Ils rejoignent, alors, une grange non loin de l’Herm, prés de la route qui va de Lavelanet à Varilhes. Ils y restent toute la journée, cachés, car des paysans les avaient prévenu que des voitures allemandes passaient souvent sur la route depuis l’aube. A la tombée de la nuit, COMMES reste avec PAULY tandis que R. CASTILLO va chercher du ravitaillement chez un agriculteur voisin…

                        Mais, à son retour, PAULY (qui connaissait très bien la région) est parti, seul, rejoindre Varilhes pour se faire soigner: ce que fera le docteur ROGER qui devra l’amputer de trois doigts.

                        COMES et CASTILLO passent la nuit du 7 au 8 dans cette grange.

Quant à CUENCA Hilarion, isolé, il rentre d’abord chez lui, à Pamiers et y arrive le 8 Juillet à midi. Madame MIROUZE (qui avait un service de cars et servait d’agent de liaison) le contacte : Il rejoint, alors, le maquis de Manses. Il ne reverra ses camarades de Roquefixade qu’à la Libération.

 

                        Les maquisards, restés dans les bois (entre le Grézat – Rapy – le Bac d’Illat -le l’Herm), ont entendu la mitraille. CALVETTI en disant : « C’est GABY ! » ne se trompe pas. Mais, ils sont loin de s’imaginer le sort réservé à leurs camarades. Cependant, cela les conforte dans l’idée qu’il faut absolument quitter le secteur avec prudence et ne pas s’aventurer inutilement.

 

                        Durant la journée, des membres du maquis rassemblent du matériel caché prés du cantonnement, sans s’aventurer au-delà des granges du Grézat. L’expérience de Vira les conduisent, naturellement, à préparer le déménagement, bien que le responsable régional ne soit pas là. Des « Estafettes » sont envoyées pour faire le lien avec les différents groupes restés sur leur position pour un rassemblement qui devra se faire dans la soirée, sur les crêtes, au nord de Roquefixade, prés du château.

 

 

 

Le 7, à Roquefixade village:

                        Vers 13H 30, un officier allemand veut se rendre chez le maire de Roquefixade, Jules SICRE, pour lui demander d’enterrer les morts (« enfouir immédiatement les cadavres ») avant le lendemain, 10H.  Mais, ne le trouvant pas, la même demande est, alors, faite à la mairie de Leychert, qui transmet l’information.

                        La municipalité avertie, le docteur Charles DARNAUD, accompagné de Gilbert SICRE, se rend sur les lieux des combats et ne peut que constater le décès des maquisards.

                        Le maquis dispersé en groupes épars se prépare à se rassembler afin de rejoindre le cantonnement de repli . Tout le monde doit se retrouver prés du château, où ils passeront une partie de la nuit.

Après 22H, CALVETTI et J. SANNAC se rendent voir le maire (qui n’est pas chez lui au Cazal, mais chez son gendre à Roquefixade), pour lui demander de se charger de la sépulture des camarades et proposent de laisser 3000 F de l’époque (que le maire refuse). Puis ils rejoignent le reste de la Cie, au château.

 

 

 

L’explication des combats de Roquefixade

 

 

1)    L’engagement sur le terrain des maquisards par des actions multiples:

 

            – sabotages qui contrarient le déroulement prévu de l’économie, essentiellement de l’ennemi, et qui met les forces « collaboratrices » en mauvaise position;

            – attentats sur des personnes considérées opposées aux mouvements de résistance ou qui ont agi contre eux;

            – détournements de bons, de marchandises réquisitionnées, attaque de centres (coopératives, usines…), occupation de Lavelanet…

 

            Bref, un ensemble d’actions ridiculisant les forces de Vichy et l’occupation allemande: d’où le qualificatif de « terroristes » employé à l’encontre des maquisards. A cela, s’ajoute une montée en puissance de l’opinion en faveur de la résistance en général, malgré les risques.

 

 

2)    L’inexpérience des maquisards:

 

                        Si certains ont eu un passé militaire, la plupart sont très jeunes ou adolescents, n’ayant touché des armes qu’en cette occasion; plein de bonne volonté pour aider ce mouvement; ou présents, alors, par la force des choses (réfractaires au STO, militants recherchés…). Hormis quelques-uns (par leur expérience antérieure au maquis ou par les actions de guérilla vécues avant le 6 et 7 juillet ou leur passé militaire), beaucoup affrontent en cette circonstance un véritable « baptême du feu » et qui, pour certains, s’arrêtera là…

                        D’autre part, il semble que la fougue de la jeunesse (et donc, une certaine inconscience) aie fait que des risques ont été pris inutilement.

 

 

3) La configuration du terrain

                        Celui-ci a eu l’avantage de pouvoir sauver des vies. La position haute (le Pech et les rochers) avec un chemin ou des accès laissés libres a permis de se dégager – autant en repli qu’en contre-attaque – par rapport aux assaillants venant d’en-bas. Et cela d’autant plus que ni GMR, ni miliciens ne se sont trouvés sur la zone des crêtes entre le Grézat et le château : ceux-ci s’étant concentrés sur le triangle Grézat-Coulzonne et Fond Rouge !.

                        Il est à noter – hormis l’événement du 7 juillet – que la plupart des maquisards tués l’ont été au même endroit: à la croisée de chemins et d’une configuration ressemblant à un col. Et cela, d’autant plus que cette position n’est plus gardée- la sentinelle étant partie avertir ses camarades du Grézat – laissant le champ libre à au moins deux accès pour les assaillants.

Les rares photos prises à cette époque montrent un paysage fait de cultures, largement déboisé au Sud. Ce qui confirme les dires des maquisards qui, malgré leurs faiblesses en armes, purent « faire des cartons » (d’autant plus que le port du casque différenciait parfaitement certains assaillants de leurs camarades) . Le chiffre annoncé de, seulement, deux miliciens tués dans l’affrontement semble exclure les forces des troupes extérieures au département (et qui ont, donc, pu subir des pertes).

                        Il est à supposer que si le maquis n’avait pas été abrité autant par les rochers que par le dénivelé, il y aurait bien plus de morts ou blessés, et cela d’autant plus que le repli se fait vers les sommets où les assaillants ne se trouvent pas.

 

 

 

4) L’armement:

                        Le maquis n’avaient qu’une trentaine de mitraillettes, des mousquetons (en général pris aux gendarmes avec très peu de balles), quelques revolvers et des grenades (pratiquement deux par personnes)[12]. Mais pas de fusil mitrailleur (le seul qu’ils aient eu a été pris par les allemands lors des combats de Vira), et cela contrairement à la milice et aux GMR: c’est d’ailleurs ce genre d’armes automatiques qui semble avoir « anéanti » une partie du maquis…

                        A cela s’ajoute l’infériorité numérique en hommes: 80 personnes composaient le maquis…

 

5)    Le repérage du maquis:

 

                        La discrétion, si ce n’est la clandestinité, pourtant recommandée, était loin d’être assurée… Des groupes circulaient et étaient aperçus. Les véhicules de la Cie se déplaçaient (et ils étaient rares à l’époque…donc, facilement repérés…). L’étanchéité ne pouvait être assurée, ne serait ce qu’en étant proche de villages où l’agriculture est l’activité majeure; sans compter les bavardages inévitables qui n’excluent pas la délation.

 

6) La durée du cantonnement:

 

                        Le Grézat devait être une étape de repli et de transition. Pierre MARTY commençait à « nettoyer » le secteur… Dans le même temps, le maquis a multiplié les actions dont la plus retentissante était celle de l’occupation de Lavelanet. L’intention de se replier sur un autre secteur ne s’est pas traduite dans les faits… et l’on a « traîné » dans un lieu certainement repéré, inconfortable et peu sûr…

 

 

                        Le retentissement des combats de Roquefixade

 

 

 

                        La Dépêche du mois de Juillet n’accorde que quatre articles concernant cet engagement (dont deux portant sur les funérailles des miliciens: un avis de décès et un compte rendu de celles-ci).

                        A partir du mois d’août, la Dépêche ne parait plus: d’autres journaux comme le « Patriote Ariégeois », « Le Patriote du Sud-Ouest », « La Victoire », « Ariège Libre »… prennent le relais dans l’opinion. La Libération de l’Ariège se fait essentiellement avec les guérilleros et les FTP au sein des F.F.I (Unités armées). Les pouvoirs et l’administration, aussitôt,  en sont issus ou ne peuvent en faire abstraction…

                        Si la Libération de Foix, la bataille de Prayols et surtout les combats de Rimont et Castelnau Durban mettent fin à l’occupation et soulèvent l’enthousiasme, Roquefixade reste, en Ariège, l’engagement armé ayant fait le plus de morts dans les forces de résistance et deviendra le symbole de l’affrontement avec autant la milice qu’avec les allemands, d’autant plus qu’il s’agit de très jeunes gens…. Les journaux titrent en caractères gras: « Les héros de Roquefixade », « Ceux de Roquefixade »… et font des doubles pages sur leurs funérailles à Pamiers. Des articles invitant à une souscription concernent toutes les communes… Les allusions aux combats de Roquefixade sont une constante… Même en 1948,  le procès de MARTY, « l’Intendant », à Toulouse, ne peut que faire référence aux combats de Roquefixade à travers ses témoins, comme CALVETTI, « OSCAR », PAULY…

Bref, l ’Ariège ne peut ignorer ces événements, d’autant plus que bon nombre des tués en sont issus (Pamiers, Larroque d ‘Olmes, Foix, Lavelanet…). Des rues, des places, un monument à Pamiers, un stade à Larroque… sont dédiés aux FTP tués à Roquefixade…pour rappeler les ariégeois à leur devoir de mémoire.

 

                        Roquefixade, « par la force des choses », sans occulter toutes les personnes (toutes tendances politiques confondues) et les événements ayant contribué à la fin de la guerre (et souvent dans l’ombre) fut un cristalisateur de l’opposition à l’occupation. Et cela se ressentit jusque dans les élections de 1945 où le parti communiste connut un essor  significatif.

 

 

 

 

                                               Le repli sur le Col de la Lauze

 

 

 

Le 7 juillet, le soir et le 8 Juillet:

 

                        Les maquisards, qui se sont retrouvés, se rassemblent autour du château de Roquefixade.  CALVETTI et J. SANNAC vont voir le maire, vers 22H, puis rejoignent le reste de la Cie.

                        Avant l’aube du 8 Juillet, l’on descend du château et  traverse les prés en empruntant un sentier à charrettes pour rejoindre l’embranchement de l’ancien chemin de Nalzen, entre Palot et le Fond de la Coste : cela se fait sans encombres bien que le maire aie averti que des allemands patrouillaient autour du village. Dans le brouillard matinal, qui vaut le nom à cette vallée (Lesponne= écume), l’on se dirige vers Armentiéres en passant entre Nalzen et le village de Février. Le jour se lève peu après. L’on emprunte les sentiers pour atteindre, d’abord Picarrot où l’on peut, enfin se restaurer ; enfin, le hameau de Lamot où réside la famille BERTRAND Léopold. Des blessés sont traînés; un maquisard ayant une angine est porté par des camarades (dont « LAPIN »)…

                        Ce sont pratiquement 40 à 50 maquisards ayant résidé au Grézat qui se sont enfoncés dans la nuit pour aller vers un autre cantonnement: 16 d’entre eux (les tués) sont toujours à Rambert; 3 sont prisonniers; PAULY est en route pour Varilhes afin de se faire soigner; « COMES » et R. CASTILLO sont dans une grange prés de l’Herm; Hilarion CUENCA rejoindra Pamiers. Lenoir, caché dans un trou le 6 ne rejoindra la Cie que bien plus tard. D’autres, enfin, se sont perdus ou ont rejoint des amis ou des parents…

 

                        Arrivés à Lamot, 2 moutons sont tués et mangés, avec des pommes de terre, sous le hangar où le gros de la Cie va dormir. Les chefs de groupes mangent à part chez les BERTRAND et tiennent conseil. Une place a été préparée prés de la cheminée qu’on allume pour l’angineux.

                        Tous repartent, le lendemain matin, 9 juillet, pour les granges de Calamières, situées au dessus du hameau du Rasclat (commune de Freychenet), sauf les blessés et le malade qui sont cachés à Lamot durant quelques jours. Ils rejoindront le maquis, sauf l’un des blessés (BIGOU) qui est raccompagné chez lui à Lavelanet. Il semble que ce soit RIVIERE dit « VINCENT », qui avait des parents à Stal de Pic (commune de Freychenet) qui aie choisi les granges de Calamières.

 

                        Ce même jour, les allemands vont à Montferrier et montent vers le Col de la Lauze, mais s’arrêtent au croisement du Col del Four. De même, ils seraient venus jusqu’au Gabachou .

 

 

N.B.:               Certains, comme « LAPIN » et CESAR TOMASONI dit « ROBINSON », ont le souvenir d’avoir mangé un vieux bouc avec des patates préparé par un métayer italien et situaient le lieu à Picarrot. Renseignements pris, il s’agirait de la ferme de Coucut, située tout à côté. Il semble, donc, que cela ne soit pas le même jour.

 

                        Un groupe, sous la direction de Georges SANNAC et de « VALMY» (Gustave MEYER), retourne au Grézat et récupère du matériel et des vivres qu’ils avaient cachés dans des rochers ou sous des cailloux. Cela se fait sans problème.

                        « COMMES » et R. CASTILLO retrouvent le maquis avec une nouvelle frayeur: ils tombent sur deux sentinelles prêtes à tirer sur eux. C’est Sébastien MARIN qui reconnut CASTILLO. Ce dernier raconte ce qu’il a vécu le 6 et 7 juillet et annonce la liste des maquisards tués qu’il a vu à Rambert: les frères de Jean SANNAC et de Milou BUSTAMENTE, GABY..

Le dimanche 10 Juillet, un groupe de maquisards (armés) contraignent le maire de Roquefixade de leur remettre les pièces retrouvées sur leurs camarades morts à Rambert et qui devaient être transmises à la préfecture le lendemain.                  

Le même jour, 10 Juillet, le secteur de Monferrier est en danger. Reproduisons un extrait de rapports de la 3éme Brigade des Guérilleros de l’UNE :

                        « Le détachement de Guérilleros stationné prés de Montségur reçoit aux premières heures de la matinée la visite de 300 allemands. Il est pratiquement encerclé. Cependant, par un ravin profond de 5 mètres, nos hommes couverts par le feu de notre unique mitrailleur, parviennent à se mettre en sécurité. Le cantonnement est incendié par des allemands qui nous prennent un camion et un véhicule de tourisme. »

 

 

 

Les premiers jours au Col de la Lauze: quelques faits…

                       

 

                        Le problème posant le plus de danger restera le ravitaillement. Si les agriculteurs des fermes alentours sont généreux ou acceptent les bons (à Gabachou, à Lamot, au Bénal…), si les sous-bois procurent des myrtilles, il faut assurer la nourriture d’une cinquantaine de personnes. Cela se fait parfois dans le danger.

                        Deux exemples sont restés dans les mémoires et concernent le ravitaillement en pain. L’un (le 9 ou le 10 juillet) porte sur Montferrier. Un groupe de 3 maquisards: JOHNNY, METZ, SARDA Siméon, est envoyé à la boulangerie. En sortant de celle-ci, ils sont repérés par une patrouille allemande: mitraillage en pleine rue. Siméon SARDA, par ex, se souvient qu’il fut récupéré de justesse avec son sac de pain par le curé de Montferrier qui lui donna de l’eau de vie pour se remettre de sa frayeur.

                        De même, l’on doit récupérer du pain, quelques jours après Roquefixade, sur la route de Nalzen: le boulanger de Lavelanet y passe… Un groupe va l’attendre, entre la scierie et le village. Le boulanger tarde… Pierrot GUTTIERREZ va se renseigner, en vain… A son retour, la voiture noire au radiateur rouge du boulanger arrive et s’arrête. Derrière elle, un convoi allemand… Un officier crie en français: « Nous savons que vous êtes là! Rendez-vous! »; puis suivent des rafales de mitrailleuses. César TOMASONI, « LAPIN », Pierrot GUTTIEREZ courent et remontent les bois: des branches tombent sous la mitraille, ils arrivent au camp tout écorchés. Le lendemain, « LAPIN », qui avait perdu son chargeur, est renvoyé avec « OSCAR » (par CALVETTI) pour le retrouver… 

                        Quant à la viande, 2 moutons étaient pris tous les jours dans les estives (entre le Saint Barthélemy et le Fourcat). Le berger BAUZA d’Armentières feignait de ne rien voir. Il n’y eut aucun problème de conscience pour dérober ces moutons qui appartenaient au  maire de Mirepoix, vue son attitude envers le maquis.

                       

Le 11 Juillet, CALVETTI envoie « LAPIN » à Freychenet se procurer la Dépêche qui vient de sortir. A sa lecture, il est en furie. L’on y relate les combats de Roquefixade et l’on annonce « 53 maquisards tués le 6, plus 12 le lendemain », soit 65 au total pour seulement 2 miliciens déclarés morts au cours de cet engagement. De plus, ils se font traiter de « terroristes« …

 

                        Après les combats de Roquefixade et les pertes qui en suivirent, il fallut, une fois de plus, réorganiser la Cie et rétablir les relations avec la région et les agents de liaison. Il s’agit de reformer des groupes et d’assurer leur sécurité sans perdre de vue les objectifs fixés.

Jean SANNAC prend la direction de la Cie (CE), tandis que CALVETTI devient responsable régional à la place de SERRA (COR).

                        La Cie reçoit du renfort provenant du maquis de Justiniac qui a été réduit à néant, le 26 Juin ( CASTEL Jack dit « RENOIR », CORTES Claude « HENRI », DUPLEIX Georges « TARZAN »). La plupart des maquisards, présents à Roquefixade et réfugiés chez eux ou chez des amis après les combats, rejoignent leurs camarades au Col de la Lauze. D’autres jeunes arrivent, ainsi que des militaires comme René BRUDER dit « l’Américain » ou « Johnny », né à Mulhouse et qui servait au 9° régiment de chasseurs d’Afrique, blessé et fait prisonnier en Tunisie, transféré en Italie du Sud, il atterrit en Ariège et se réfugie dans la famille ROUZAUD de Nalzen….

                        Les cantonnements, durant le mois de juillet jusqu’au 17 Août, se feront au Col de la Lauze, prés du Rasclat, dans les granges de Calamières; puis, à la Jasse de Bélesta; puis retour au Col de la Lauze avant que ne soit déclenchée la Libération de l’Ariège.

                        Les opérations continuèrent. Mais avant la Libération – depuis le Col de la Lauze – 3 maquisards trouveront la mort: l’un au pont de Bélesta (Jacques MIQUEL), les deux autres dans une embuscade au Pont du Prince, dans la forêt de Bélesta (Georges FERRIE et Emile DUSSART alias « ROBINO »). De plus, le 17 Août au soir, lors d’une méprise, sur le trajet Lavelanet-Pamiers, au pont de Rappy, le cuisinier de la Cie, BLANDINIERES Jules était tué, ainsi qu’un élément des milices patriotiques: Jean OEUILLET. Un troisième, Louis BOULBES était blessé et décédera le 17 Octobre.

                        Cette compagnie tentera de venir en aide au maquis de Picaussel (situé non loin, après Bélesta) qui était attaqué par les troupes allemandes (6 et 7 août), mais ne pourra rien faire contre les chars allemands.

                        Après la libération et l’occupation de Lavelanet et de Pamiers – par les mêmes -, nous retrouvons ces maquisards à Prayols (avec les guérilleros de MADRILES) sous le commandement de Jean SANNAC, puis à Saint-Girons, Rimont et Castelnau-Durban.

                        A noter le différent existant entre FTP et « AUBE » (futur général BIGEARD, parachuté à Rieucros, le 8 août, et resté suspendu à un arbre!), en particuliers au sujet de la Libération de Foix, car ce dernier ne souhaitait pas que des communistes y participent. Cela se fera, néanmoins, avec les guérilleros, dont il ne connaissait pas, parait-il, l’appartenance politique! De plus, l’appropriation des faits de guerre vécu par tous durant son séjour en Ariège ne fait pas l’unanimité…

                        Bien des maquisards, ayant vécu ces événements, seront affectés dans des unités qui poursuivront l’ennemie jusqu’en Allemagne, puis se battront en Indochine. Leurs familles auront, encore, a subir des pertes en vies humaines…


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Annexe

 

 

Le samedi matin 8 à Roquefixade

 

                        Après que les autorisations préfectorales aient été accordées, suites aux démarches du maire, Jules SICRE, (ce qui n’a posé aucun problème, vues les circonstances) des habitants de Roquefixade (Antonin SICRE, Hyppolyte CLERC de Saint-Martin…), accompagnés du maire attellent une charrette à des boeufs et vont récupérer les corps des maquisards tués à Rambert. Ces derniers sont emmenés au cimetière de Saint-Martin (seul cimetière de la commune à cette époque), où une fosse commune a été creusée en son fond, dans l’angle droit. Il n’y eut pas de cérémonie religieuse (le curé FOURNIER de Roquefixade ayant été refoulé du lieu par un habitant communiste).

                        Les corps, mis côte à côte, sans séparations, sans linceul, sont recouverts de chaux, à l’initiative des anciens combattants de la guerre 14-18 (selon une enquête menée, postérieurement, par la préfecture).

                        Deux croix furent placées sur la tombe commune, ainsi qu’une gerbe offerte par la municipalité de 950 F.

 

                        Selon les témoignages, les maquisards tués par les allemands étaient reconnaissables. Ce qui n’était pas le cas des autres criblés de balles, la veille, par les GMR et la Milice.

                        5 se trouvaient au carrefour (monument actuel)

                        4 entre la plaque du Roc Louis et le monument

                        4 au pied du rocher

                        2 sur l’ancien chemin (des grenades étaient retrouvées prés du talus)

                        1 était déchiqueté dans une haie.

 

                        Le maire écrit dans les registres municipaux :

                        «  Ils étaient sommairement vêtus, de pantalons bleu marine et de chemise kaki. Le pantalon de l’un d’eux, aux cheveux blonds très longs, était bleu marine avec un liséré jaune des chasseurs alpins. (Ces détails ont permis d’identifier Jacques DANDINE). Un autre était vêtu de modèle de la marine. »

                        «  Toutes les poches des cadavres étaient retournées. Au fond de l’une d’elle, il a été retrouve seulement une note de la préfecture de l’Ariège concernant Ulmann (forain à Pamiers). A coté d’un cadavre, une carte d’identité avec récépissé de demande de carte d’identité de français, une carte de travail et un certificat de libération des chantiers de jeunesse au nom de CALMONT Auguste (ouvrier agricole à la Tour du Crieu). »

                        « Aucune autre pièce n’a permi d’identifier les autres cadavres ».

Les pièces recueillies par le maire de Roquefixade devaient être adressées à la préfecture par courrier. Il n’en eut pas le temps. En effet, « Trois réfractaires armés » (selon l’expression du premier magistrat de la commune) sont venus les enlever à la mairie, le dimanche 9 Juillet.

A noter que le maire SICRE spécifie bien « sur les ordres de l’autorité allemande d’avoir à ramasser immédiatement les cadavres des réfractaires restés sur le champ de bataille »

                        Il fallut attendre le dimanche 10 Septembre 44 pour qu’une « messe à la mémoire des 16 F.F.I. » soit célébrée et cela en l’église de Nalzen. Un cortège se forme ensuite pour aller déposer une couronne sur la fosse commune.

 

 

Le même jour, à Foix: funérailles des miliciens (8 Juillet)

 

                        Officiellement, « la milice eut à déplorer la perte d’un officier et d’un sous-officier », lors des combats de Roquefixade (Pierre MARTY, selon A. LAURENS aurait été légèrement atteint). Il s’agit du chef de trentaine de Foix, Philippe- Armand- Jean BOURRAGUE (qui venait, à peine, de se marier),22 ans, et du chef de dizaine de Toulouse, Marcel MARTINET, 40 ans, fabricant de chaussures de son état. Leurs funérailles furent solennelles.

                        Le samedi 8 juillet, la levée des corps est faite à la caserne de la Franc-Garde de Foix, où le drapeau a été mis en berne.

                        Derrière les chars funèbres encadrés par une garde d’honneur, outre la veuve BOURRAGUE, viennent les chefs PINCEMIN, MEYNIEL et DARRIGADE, le préfet de l’Ariège, CONS, le chef de cabinet, POUDEROUX, les forces de police et les administrations publiques. Viennent, ensuite, plusieurs unités de la Franc-Garde sous le commandement des chefs BARRERE et PLATON, les éléves-chefs et les stagiaires Avant Garde de l’école des cadres de la milice de Pamiers, puis « une foule nombreuse de miliciens, miliciennes et personnes amies ».

                        La cérémonie religieuse est célébrée à Saint-Volusien, décorée de drapeaux tricolores.

                        Au seuil du cimetière, MEYNIEL, chef départemental adjoint de la milice, prononce un discours avant que les Francs-Gardes et les miliciens présents ne chantent, genou à terre, le chant des cohortes.

 

 

 

N.B.: Quelques jours après, les allemands sont venus au moins trois fois à Roquefixade (des habitants seront emmenés et seront relâchés 8 jours plus tard sur l’intervention d’une personne qui avait une maison dans ce village et qui travaillait au cabinet du préfet).

 

 

 

                                               Les obsèques des maquisards 

 

 

                        Un mois et demi s’est écoulé depuis les combats de Roquefixade, quand se déroule la libération de l’Ariège. Une nouvelle administration se met en place.

Les « révolutions » ont besoin de symboles: Roquefixade en est un. D’un côté, l’on juge (parfois, après un semblant de tribunal), d’un autre, il faut glorifier… c’est pourquoi l’on va « célébrer » les funérailles de ceux qui cristallisent le mieux la reconquête du Pays et qui en deviennent des martyrs.

                        Une première exhumation est prévue le 25 septembre pour des obsèques le 26 : ce qui ne put se réaliser.                       

Dans le Patriote du 30 septembre, l’on peut lire: « Le président du CDL demande aux personnes de Pamiers qui auraient des places disponibles dans leurs caveaux de famille de se faire connaître pour un dépôt provisoire ».

 

Le mardi, 3 octobre, dés le matin:

                         Des prisonniers allemands du Vernet, arrivent à Roquefixade et retirent la terre recouvrant les corps. Le relais est alors pris par les pompes funèbres de Foix qui ne purent finir leur travail. L’exhumation des corps se fait avec quelques maquisards et des membres des familles chargés de les reconnaître.

                        La présence de chaux vives couvrant les cadavres créera quelques incidents: le maquisard OSCAR, par ex., était prêt à fusiller le maire du lieu!

                        Les cercueils de Daniel LOPEZ et de Raoul TRAMEZAYGUES sont emmenés à Larroque d’Olmes où les obsèques eurent lieu le mercredi matin 4 octobre; tandis que celui de Nine CELERINI était enterré au cimetière de Bensa, à Lavelanet, le mercredi après midi. Quant à celui de Jacques DANDINE, il est emmené à Foix, où il est inhumé le même jour.

 

Le mardi soir, 3 octobre, à Pamiers:

                        A 17H 30, le camion transportant les 12 autres corps arrive devant le Monument aux Morts. Outre les familles, sont présentes les autorités municipales, CALVETTI avec son état-major, une section en armes, le bureau du P.C., les jeunesses communistes, les maquisards camarades de combats des disparus, les femmes de France et les milices patriotiques. Une chapelle ardente est créée à la cathédrale.

 

Le mercredi 4 octobre:

                        Après la messe, les cercueils furent déposés sur 3 chars couverts de fleurs et de drapeaux. Une foule immense suivit le cortège jusqu’au cimetière. La Société philharmonique joua la « Marche Funèbre » de Chopin. « La sonnerie aux morts » retentit et la chorale appaméenne chanta « L’hymne aux morts ».

                        Des discours furent prononcés par:

                        – Mr CERNY, maire de Pamiers

                        – Mlle CLAUDE, déléguée des Femmes de France

                        – Gilbert TRIGANO, délégué régional des FUJP

                        – FELIX, secrétaire et délégué régional des J.C.

                        – ANTIGE, au nom du Front National

                        – ABEL, secrétaire et délégué régional du P.C.

 

                        Puis, la garde d’honneur tire des salves de fusils…


 

 

 

                                               Les FTP tués à Roquefixade

 

 

 

– ARSEGUEL Léopold (Labastide de Bousignac), né le 12 Octobre 1914 à Mirepoix: 29 ans

– BERLIN Egon « BERDIN Paul » « PETIT PAUL »: jeune juif, réfugié, venant du château de Lahille : 15 ans

– BOSC Kleber Louis Jean de Capestand (Hérault), né le 19 Octobre 1926: 17 ans

– BOSC Marceau Marcel de Capestang (Hérault), né le 20 Juin 1925: 19 ans

– BUSTAMENTE François « ARTHUR » « LA France » de Pamiers, né le 28 Novembre 1924: 19 ans

– CALMON Augustin Georges  « BERNARD » de la Tour du Crieu, né le 4 décembre 1921 à Sabarat: 23 ans

– CAMPOS Joseph « GABY »ou « DURAND  Joseph » de Gruissan (Aude), né le 9 Juillet 1915: 30 ans

– CELERINI Jérôme (Giralomo Giacomo) « NINE » de Lavelanet, né le 24 Juillet 1919 à Romano (Italie): 25 ans

– DANDINE Jacques de FOIX, né le 3 Janvier 1926: 18 ans

– DAUZAT Jean Georges « GEORGES » de Foix, né le 21 Mars 1926 à Toulouse : 18 ans

– GARCIA Bernard « GEORGES » de Saint-Paul de Jarrat, né le 16 Janvier 1926 à Pamiers : 18 ans

– LOPEZ Daniel de Larroque d’Olmes, né le 27 Octobre 1925:

19 ans

– RAUZY Roger François « LE ROUX » de Pamiers, né le 3 Mai 1924: 18 ans

– SANNAC Robert « BEBERT » de Pamiers, né le 25 Juin 1926: 18 ans

– TREMEZAYGUES Raoul de Larroque d’Olmes, né le 9 Septembre 1927: 16 ans

 

 

 

                        A ceux-ci, sont à ajouter :

– ULMAN Eloi de Saint Amadou, né le 9 Mai 1928 à Le Cannet (Alpes Maritimes) : 16 ans

– ROUSSE Jacques Jean de Pamiers, né le 28 Mars 1930, qui fut blessé et fait prisonnier. Il disparut : 14 ans.

 

                        Le décès de ces deux jeunes, pris au piège de l’attaque, résulte malgré tout d’une volonté d’engagement au service de leur pays : c’est pourquoi la mention « Mort pour la France » figure en marge des actes de décès.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

            MAQUISARDS PRESENTS A ROQUEFIXADE

 

 

 

 

ALLEGRE Gilbert « JIM »

AMARDEILH Jules « LOLO »

AMOUROUX François « LE FRISE »

ANDREU François « ROUQUET » ; « LUCIEN »

ARNAUD Henri « LE DUC »

ARSEGUEL Léopold (Tué)

AUBERT Marc « MARC-AURELE » « MARC »

 

BARTHES Pierre « PERI »

 BEAUGARD Emile « RAYMOND »

BELLECOSTE Roger « ARDENT »

BERLIN Egon « PETIT PAUL » ; « BERDIN Paul » (Tué)

BIGOU

BLANDINIERES Jules  « LE BOUC »

BLUM Marcel « LACOSTE »

BOSC Kleber (Tué)

BOSC Marceau (Tué)

BUSTAMENTE Emile « MILOU »; « JACQUES VERDIER »

BUSTAMENTE François « ARTHUR »; « LA FRANCE » (Tué)

 

 

CALMONT Auguste « BERNARD »; « PAUL DUBOIS » (Tué)

CALVETTI AMILCAR « LOUIS »; « JEAN TORRENT »

CAMPOS José « GABY »; « Joseph DURAND » (Tué)

CASTEL René « LAPIN »

CASTILLO Raymond « LECLERC »

CAURET François « ARMOR »

CUENCA Hillarion « Robert LECLERC »

CELERINI Jérôme « NINE » (Tué)

CREMIEUX

DANDINE Jacques (Tué)

DAUZAT Jean  « GEORGES » (Tué)

DE BON Michel « BIDOUCHE »

DESIRE Marcel « Jonny »

DORTOR Joseph

DOUMENC Georges « GEOURGEOTTE »

DUSSART Emile « ANDRE DUVAL »;  « ROBINO »

 

FERRIE Georges « ALEX »

 

GARCIA Jean « VENDREDI »

GARCIA François « RODCHILD »

GARCIA Séraphin

GARCIA Bernard  « GEORGES » (Tué)

GENES Maurice « BEBERT »

GENIS Fernand « ALEXANDRE »

GILIS Alexandre « TITIN »

GUTTIEREZ Pierre « PIERROT »

 

HAVET Jean « STIMI » ; «  HOCHE »

 

HERRAEZ Segundo « COCO »

LABATUT Henri

LACASSAGNE « LENOIR »

LAGUERRE André « DEDE la FRAISE »

LE BOBINEC Albert

LEVY Claude Marcel « CLAUDE »

LOPEZ Daniel (Tué)

LUMMERT Jean « METZ »

 

MARIN Sébastien « JEAN DUPUY »

MARIN Diégo

MIQUEL Jacques

MEYER Gustave « VALMY »

MOINIE Marcel « CHRISTIAN »

MONIE Georges « LA VACHE »

OLBAUM

OLLVER Rudi « RUDY »

 

PAGES Aimé « LE CRIEU »

                                                                      

PAULY Aimé

PEREZ Benito « OSCAR » ; «  Michel OSCAR  » ; « MICHEL BATAILLE »

PROVALSKI Michel « DULAC »

PUJUILA Daniel « ANDRE FAURE »; « ANDRE » ; « DANIEL »

PUY Emile « MIMILE »

 

 

RAUZY Roger « LE ROUX » (Tué)

RESPAUD Armand « WILLY »

RICHOU « COMMES »

RIVIERE Gaston « VINCENT »

                                  

 

SANCHEZ Julien « ROGER »

SANCHIS José « PEPE »

SANNAC Georges « JOJO »

SANNAC Jean « JEAN FERRAND »

SANNAC Robert « BEBERT » (Tué)

SARDA Gaétan

SARDA Siméon « PIERRE BREVILLE »

 

TOMASONI César « CESAR »; « ROBINSON »

TREMEZAYGUES Raoul (Tué)

 

VALVERDE André « LA BEQUILLE »

VIDAL André « ULYSSE »

VILLAROYA Julien « TONY »

 

soit 82 maquisards recensés.

 

 


 

 

 

LES MONUMENTS RAPPELANT ROQUEFIXADE

 

 

 

                        Dans les mois, les années qui suivirent la Libération, plusieurs lieux rappellent aux ariégeois la mémoire des maquisards tués à Roquefixade. C’est un stade à Larroque d’Olmes, ce sont des rues ou des places…

 

                        Nous allons nous attarder, brièvement, sur les plus symboliques : ceux existant à Roquefixade même (et généralement méconnus) et celui du cimetière Saint Jean de Pamiers.

 

 

 

 

A Roquefixade :

 

                        Sur la D 9, après Roquefixade, en direction de Lavelanet, dans un tournant (Fond Rouge), l’on aperçoit une grande arche : c’est le « monument dit du Conseil général ».

                        A la Libération, dés septembre 44, une souscription publique est organisée pour édifier un monument « à la mémoire des jeunes gens du maquis de Roquefixade, tombés sur la terre d’Ariège sous les balles de la Gestapo et de la Milice ». Toutes les communes du département y participent : des quêtes sont organisées…

                        Un terrain, facile d’accès, se trouve en bordure de route et dans le périmètre des combats de Juillet : il est communal… La municipalité et le Conseil Général décident, donc, d’ériger en ce lieu le monument souhaité.

                        L’architecte CARTIERI propose son œuvre. Les maçons de Roquefixade (Léonard LASSEUBE et Gilbert SICRE) doivent se charger de la réalisation. Les travaux commencent : le socle et l’arche sont construits. Restent à poser une croix de Lorraine au centre de l’arche et à y inscrire les noms des victimes.

                        Mais les camarades des maquisards tués vont sur les lieux et découvrent que le monument envisagé est  posé à l’endroit où les miliciens du side -car ont été tués et sous le sommet d’où les allemands ont mitraillé le groupe Gaby.

                        Devant les protestations et le différent, le Conseil Général fait arrêter les travaux. Mais, certains maquisards ne reviendront plus aux commémorations du 6 et 7 juillet tant que ce bâti est en place : il y eut des menaces de le faire sauter à la dynamite…

 

                        Devant cet affront, une plaque rectangulaire en marbre blanc, portant les noms des victimes de la bataille, fut scellée sur le rocher autour duquel eu lieu le gros des combats. Elle fut inaugurée le dimanche 10 Juillet 1946, après une souscription organisée par l’Association Nationale des anciens combattants. Un service de cars et de camions fut organisé dans le département pour son installation.

 

                        Cependant, l’accès à la roche devint difficile, au fur et à mesure des années, pour les commémorations. L’on décida, alors, de créer un monument, plus bas et facile à atteindre. Il fut inauguré le dimanche, 1er Juillet 1973, en présence du maire de Roquefixade, SEGUELA, du colonel ROL-TANGUY (chef de l’insurrection parisienne d’Août 44) et de MORLANS, chargé de l’organisation. Le financement est assuré par l’Association des anciens combattants de la Résistance et par souscription.

 L’œuvre est de Pierre RESPAUD : elle est composée d’un socle de 2,5m env. supportant une sculpture qui représente une main tenant un flambeau.

 

 

 

 

A PAMIERS :

 

 

                        Au centre du cimetière Saint Jean, se trouve le  « monument de la Résistance » qui est, aussi une tour-caveau « Lanterne des morts ». Il rappelle les lieux de Vira, Roquefixade, Rappy et Rimont où périrent des jeunes engagés : 16 victimes y reposèrent côte à côte. Il fut inauguré le 12 mai 1946 sur un financement d’une subvention de la commune de Pamiers et par souscription de l’Association des anciens FTP, en présence de LUCIBELLO, alors délégué national de l’Association des anciens FTP, du préfet, des députés, du représentant du ministre des anciens combattants, de DARAUD, maire, de CALVETTI…. L’architecte en est Mr BONIS, de Pamiers.

 

NB : De nos jours, seuls deux corps y reposent : celui de François BUSTAMENTE et celui de Egon BERLIN

 

 

 


 

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[1] Officier supérieur de l’armée républicaine au cours de la guerre d’Espagne où il servit à l’E.M. du 14° Corps d’Armée. Blessé de 32 balles dans le corps, il meurt à l’hôpital de Foix.

[2] « AUBERT » : envoyé en Ariège par l’Etat Major régional FFI, dirigé par RAVANEL (24 ans), dont le chef national est le Général Koenig. Il a pour mission de coordonner l’ensemble de la résistance ariégeoise en vue de la Libération. Il avait comme agent de liaison « SUZANNE » qui devint, plus tard, l’épouse de José ALONSO (commandant ROBERT)

[3] La route de Pamiers : par Raissac et Rappy, alors couramment fréquentée.

[4] ARNAUD Henri alias « Le Duc »

[5] Il s’agit de Jean SANNAC, qui était aux cotés de Calvetti, à ce moment-là.

[6] Selon « OSCAR », la sentinelle vient annoncer, seulement, que 5 ou 6 camions viennent de s’arrêter sur la route où il était en faction, sans avoir attendu de voir qui était dans ces véhicules.

[7] Selon la définition que nous en a donné Bénito PEREZ dit OSCAR.

[8] Ce qui laisse à penser que les hommes du PC et du détachement « hors cadres » se sont, eux aussi, dispersés en remontant les crêtes.

[9] « LENOIR », du groupe RAUZY était alsacien et parlait allemand. Il aura un rôle décisif durant les combats de Rimont-Castenau-Durban où les allemands capitulèrent, ce qui signa la Libération de l’Ariège.

[10] Le nom d’Egon BERLIN n’était pas connu à cette époque (les recoupements n’ayant pas encore eu lieu). Né le 17 janvier 1928 à Coblence (Allemagne) et réfugié au Château de La Hille (commune de Montégut-Plantaurel), son parcours était officiellement inconnu : un jugement administratif ne pouvait être pris…

[11] « Daniel » se souvient qu’il s’agit d’un maquisard habitant, alors, « une campagne » entre Pamiers et Mirepoix. 

[12] Le recensement d’après les rapports de la Cie montre que 31 mousquetons et 7 revolvers ont été récupérés entre le 20 Juin et le 4 Juillet. Une note sur l’armement du détachement de la 1° Cie signale : Commandant « TORRENT » (CALVETTI ») : 1 revolver Star avec 20 balles ; Commandant adjoint « FAURE » (« DANIEL » PUJUILA) : un pistolet FM et 20 balles (n’était pas présent au cours des combats de Roquefixade) ; le chef de détachement « OSCAR » (Benito PEREZ) : une mitraillette ; « FERRAND » (J. SANNAC) (alors secrétaire de la Cie) : 1 revolver Star et 20 balles ; l’infirmier « LACOSTE » (M. BLUM) : 1 revolver et 20 balles…

Auteur: Jean-Jacques PETRIS