MIREPOIX (Ancienne cathédrale Saint Maurice)

 

La petite ville de Mirepoix avait été construite sur la rive gauche de l’Hers, à l’ouest de la ville actuelle, mais, détruite vers l’an 1000 par les Goths, elle fut installée sur la rive droite au pied du château fort. Elle était placée sous le vocable de Saint Maurice et de ses compagnons depuis la prise de Mirepoix par les armées de Simon de MONTFORT (*v. 1160/+1218), le 22 septembre 1209, jour de la fête de Saint Maurice. Elle disparut entièrement le 16 juin 1289 par l’effet d’une inondation. Les survi­vants de ce cataclysme obtinrent du seigneur de Mirepoix une terre sur la rive gauche, en lisière de la forêt de Plénefage, et bâtirent une nouvelle ville autour d’un prieuré bénédictin qui avait essaimé de l’abbaye de Saint Victor à Marseille dès le X° siècle, et dont l’église servit de lieu de culte pour la population. La chapelle du prieuré étant trop étroite pour contenir une popula­tion rapidement accrue, il fallut l’agrandir. Divers matériaux de l’église détruite de la rive droite servirent à l’édification de la nouvelle église, de style gothique, qui conserva le même vocable et fut inau­gurée le 6 mai 1298. Elle comptait huit chapelles et avait été élevée grâce aux soins du seigneur Jean de LÉVIS et de sa femme Constance de FOIX. 

 

En 1317, le pape Jean XXII (1316/1334) créa sept nouveaux évêchés, dont celui de Mirepoix et la ville, qui comptait 8000 habitants, en devint le siège. L’église prit rang de cathédrale, d’où la nécessité de disposer d’un chœur pour les chanoines et d’un plus grand sanctuaire.  L’évêque Jacques FOURNIER (1326/1327) avait ordonné les travaux, mais élu pape sous le nom de BENOIT XII (1334/1342), il quitta Mirepoix pour Avignon où il fit construire le Palais des Papes par Pierre PEISSON, archi­tecte de Mirepoix.

 

Le plan de la nouvelle église fut grandiose et les travaux commencèrent en 1343. Ils se poursuivirent si longtemps que la cathédrale ne fut ter­minée qu’en 1865. La ville fut incendiée par les Routiers de Jean PETIT en 1363 et la cathédrale ruinée, mais les cinq chapelles rayonnantes étaient déjà construites. C’est Philippe de LÉVIS, nommé évêque en 1497, qui entreprit de relever les ruines de la cathédrale dans laquelle les bêtes venaient paître. Il en fit l’église actuelle. Les guerres dites de Religion interrompirent les travaux, mais l’église ne subit aucun dommage. La toiture dut réparée en 1732 et le pavage de la nef fut refait.

 

En 1789, l’église fut pillée, ornements et statues furent enlevés. Ce ne fut que vers 1860 qu’elle fut restaurée, sur les plans de VIOLLET-LE-DUC et la voûte fut enfin cons­truite sur une reprise des murs du chœur et de la nef. En 1890 cependant, l’église, ayant cessé d’être cathé­drale par disparition de l’évêché en 1790, le curé cha­noine élargit les fenêtres, installa les orgues, créa la chapelle des fonts baptismaux qui empiète dans la cour du palais épiscopal  voisin, lui-même édifié par Philippe DE LÉVIS.

 

L’église est bâtie en grès du pays. Elle a une seule nef, accostée de chapelles comprises entre les contreforts, suivant le plan des églises toulousaines. Cette nef est la plus large des églises méridionales, puisqu’elle dépasse avec ses 21,60 m, celle de Saint Vincent de Carcassonne qui mesure 20,26 m. Seule la cathédrale de Gérone en Catalogne atteint 22 m en une seule nef.

 

Elle comprend cinq travées. Les deux premières sont occupées par le porche qui s’ouvre au nord vers la ville et par le rez-de-chaussée du clocher. Les deux chapelles suivantes sont éclairées par des fenêtres étroites et longues ; l’appareil plus grand indique, au-dehors, les  reprises du XVI° siècle. La quatrième travée devait être prévue pour recevoir un transept, elle est occupée par deux étages de salles dont les supérieures s’ouvrent sur la nef, la partie inférieure, aveugle, compromet l’équilibre de ce vaste vaisseau ajouré. Le vaste chœur polygonal du XIII° siècle comprend une travée et cinq chapelles rayonnantes. Les figures des clefs de voûte indiquent les anciens vocables des treize chapelles, dont, à part celle de Saint Maurice, l’attribution a été modifiée. Méritent particulièrement l’attention celle de Saint Gaudéric, saint qui fut en grande dévotion dans le diocèse et jusqu’en Roussillon, et celle de Sainte Agathe : au sol petit labyrinthe en carreaux vernissés. Au-dessus du porche, nous observons la tribune personnelle de Philippe De LÉVIS. Les piliers ronds du chœur et des deux premières chapelles avec leurs bases caractéristiques sont plus soignés que ceux de la nef.

 

L’évêque Philippe de LÉVIS fit dresser en 1506 la flèche du clocher qui fait la renommée de l’ancienne cathédrale de Mirepoix. Ce clocher est composé de deux étages carrés maintenus aux angles par des contreforts au-dessus desquels s’élèvent deux étages octogones éclairés sur chaque face par des fenêtres à meneaux. Au-dessus du dernier octogone, la flèche très aiguë – ceci afin de compenser l’absence de tambour – et à huit faces, porte à soixante mètres la croix terminale. Ses arêtes sont ornées de crochets qui adoucissent la sécheresse des lignes.                  

 

Il reste peu de choses des innombrables richesses qui avaient été accumulées dans la cathédrale : ont disparu ses vitraux du XV° siècle, les pierres tombales de ses évêques, l’autel de marbre rouge donné par l’évêque Pierre de DONAUD (1587/1630) et les statues de pierre du XVI° siècle. Subsistent de nombreuses statues en bois doré du XVIII° siècle, quelques toiles-peintes des XVII° et XVIII°, un tabernacle en marbre du XV°, une table d’autel et son support en pierre sculptée du XV° à la seconde chapelle à gauche.

 

Une porte Renaissance en belle pierre sculptée, laissée longtemps au porche du clocher, a été remployée récemment à la porte de l’abside.     

(Cl. Aliquot, conservateur des Antiquités et Objets d’Art de l’Ariège,

 Docteur en Histoire)

 

 

 

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Commémoration du centenaire du classement de

l’église cathédrale Saint-Maurice de Mirepoix comme monument historique

(Dimanche 25 mars 2007)

 

 

22 mars 1907 – 22 mars 2007

 

Le 22 mars 1907 ont été classées monuments historiques trois églises du département: l’église Saint-Julien d’Axiat, l’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Verges, et l’église cathédrale Saint-Maurice de Mirepoix.

 

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C’est en présence de Mme Ettori, conseiller général, de M. Cazanave, maire, de M. Augot, architecte des Bâtiments de France, de M. Aliquot, conservateur des antiquités religieuses de l’Ariège, de Mme Quillien, premier adjoint, de M. Lagarde, directeur de l’office de tourisme, et d’une grande assemblée de Mirapiciens, que s’est déroulée la commémoration de ce centenaire.

Le projet était de rassembler dans l’église cathédrale tous ceux à qui elle tient à coeur, tant du point de vue religieux que patrimonial. C’est la raison pour laquelle il fut soutenu et encouragé par les autorités civiles et religieuses, ainsi que les responsables de la préservation du patrimoine et de l’architecture.

 

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Mme Michèle Pradalier-Schlumberger, présidente de la Société archéologique du Midi de la France, avait accepté dès le début du projet de faire la présentation historique de l’église cathédrale. Elle la connaît dans ses moindres détails, ayant travaillé à maintes reprises sur ce monument, et notamment sur les clés de voûte que nous connaissons mieux grâce à elle.

Sa présentation, limpide et synthétique, permit de suivre l’évolution de ce bâtiment, complexe, depuis les origines, et montra que loin d’être une église à l’architecture homogène, elle était en réalité faite de cinq églises successives.

 

Eglise paroissiale lors de la reconstruction de Mirepoix après l’inondation de 1289, elle se compose en 1298 d’une nef et de huit chapelles.

 

Lors de la création du diocèse de Mirepoix par le pape cadurcien Jean XXII en 1317, elle devint donc cathédrale. Le premier véritable évêque bâtisseur fut Pierre de Lapérarède, dominicain ami du pape Jean XXII. La cathédrale présente alors un immense chevet bordé de chapelles rayonnantes. Peut-être l’architecte mirapicien Pierre Poisson, qui travailla au Palais Vieux des Papes en Avignon, joua-t-il un rôle dans ces travaux, mais nulle preuve ne l’atteste.

 

La Guerre de Cent Ans et la peste noire interrompirent ensuite les travaux, comme dans tout le midi toulousain, et ce n’est qu’au début du XVe siècle que l’évêque Guillaume du Puy projeta un transept, qui ne fut jamais réalisé, laissant en place un faux-transept.

 

Philippe de Lévis, entreprit de grands travaux au début du XVIe siècle, apposant des arcs doubleaux diaphragmes, une charpente (sur une nef en bien piteux état, selon les documents d’archives), érigeant un clocher, de même qu’à son abbaye de La Grasse, et faisant construire le palais épiscopal, le porche d’entrée de style gothique flamboyant et la chapelle Sainte-Agathe, avec le maçon Georges Terret.

 

Au XIXe siècle, selon la description du baron de Guilhermy, l’église cathédrale de Mirepoix est très étrange, dissymétrique, avec une nef désaxée, et les restes du cloître de Guillaume du Puy.

Ce sont les travaux de 1857 qui lui ont donné son aspect actuel, sous l’égide de Viollet-le-Duc, avec les architectes Coma et Cals. Il fallait régulariser et élargir la nef dans le prolongement du chevet, et pour cela, le mur sud fut repoussé et engloba le clocher. De cette époque datent les ouvertures circulaires ornées de vitraux, rappelant l’église Saint-Michel de Carcassonne.

Le XIXe siècle s’appliqua toutefois à respecter l’esprit du XIVe siècle.

 

 

Répondant à des questions, Mme Pradalier-Schlumberger souligna l’importance des clés de voûte de trois des chapelles rayonnantes, celles représentant saint Michel, la Vierge à l’Enfant et saint Dominique, toutes trois attribuées au maître de Rieux, sculpteur toulousain dont le véritable nom était Pierre de Saint-Emilion. Elle précisa encore l’importance et la qualité du pavement de la chapelle épiscopale, mais il aurait fallu bien plus de temps pour rendre grâce à toutes les beautés que contient l’église cathédrale de Mirepoix!

 

(Compte-rendu de la conférence de Mme Michèle Pradalier-Schlumberger

 réalisé par Martine Rouche)

 

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NB : Rappelons à ce propos que la S.A.M.F. est une société savante, reconnue d’utilité publique, dont le siège est l’Hôtel d’Assézat à Toulouse, et dont les membres ont à coeur de préserver et d’étudier le patrimoine de la région Midi-Pyrénées